TOKYO – Jennifer Abel a pris tous les moyens pour que le scénario des Jeux de Rio ne se répète pas à Tokyo. Et en lever de rideau des compétitions de plongeon, la Lavalloise de 29 ans s'est offert avec sa coéquipière Mélissa Citrini-Beaulieu la médaille olympique d'argent de l'épreuve au tremplin de 3 mètres synchro.

Après avoir longtemps ruminé ses deux quatrièmes places en 2016, cette entrée en matière lui enlève un poids énorme.

« En fait, ça m'en ajoute parce qu'elle est vraiment lourde », a-t-elle répliqué en riant de bon coeur en soupesant sa médaille aux côtés de Citrini-Beaulieu quelques instants après la cérémonie des médailles.

« Aujourd'hui, nous avons fait tout ce que nous avons voulu faire. Nous avons pensé au moment présent, pas au futur ni au passé. Nous avons vécu le moment ensemble. Je trouve ça beau ce que nous avons réalisé ensemble.

« C'était juste un rêve depuis que je suis jeune, a pour sa part commenté Citrini-Beaulieu, âgée de 26 ans. J'ai continué à croire que je pouvais le faire et maintenant je suis aux côtés de Jenn et nous avons remporté une médaille d'argent aux Jeux olympiques. Je suis fière de ce que nous avons réussi. »

Après Rio, Abel a souvent répété qu'elle avait vécu une certaine crise d'identité parce qu'à force de fixer la barre toujours plus haute, elle est revenue du Brésil avec un sentiment d'échec. Même si elle a fait la paix avec cet épisode de sa vie depuis, la pression n'en était pas moins grande, dimanche.

« À Rio, ma plus grosse erreur a été de focaliser sur la médaille. Mais ce n'était pas facile de venir ici et de ne pas penser à la médaille. Surtout que Mélissa et moi, nous avons terminé deuxièmes à tous les Championnats du monde et les Coupes du monde depuis 2017. »

Délivrance pour Abel

Le duo canadien a entrepris la compétition de façon inquiétante, occupant seulement la sixième position sur huit équipes après deux manches. Elles ont rapidement remonté la pente avec des plongeons avec des coefficients de difficultés plus grands.

« Nous le savions toutes les deux que nos deux premiers plongeons ne sont pas nécessairement les meilleurs, a expliqué Abel. Il faut aller chercher plus de points à nos trois derniers.

« En même temps, en synchro, les choses sérieuses commencent à partir du troisième plongeon et c'est là que tout peut arriver. On ne s'est pas laissé distraire avec les petites erreurs que nous avons commises au début parce que nous savions qu'il nous en restait encore beaucoup. »

Abel et Citrini-Beaulieu ont conclu la compétition avec un solide double périlleux et demi en position carpée, totalisant 300,78 points. Elles n'ont pas été en mesure d'inquiéter les Chinoises, qui ont mérité un cinquième titre olympique d'affilée dans cette épreuve. Tingmao Shi, qui a mérité sa troisième médaille d'or olympique, et Han Wang ont survolé la compétition avec 326,40 points.

La médaille de bronze est allée aux Allemandes Lena Hentschel et Tina Punzel (284,97).

« Avant notre dernier plongeon, je savais que nous étions en bonne position pour un podium, a précisé Abel. Quand je suis entrée dans l'eau, j'étais consciente que j'avais fait un bon plongeon. Ma première réaction ensuite a été de regarder Mélissa et elle m'a regardé avec de grands yeux et elle m'a dit "je l'ai eu". Je me suis retournée et j'ai regardé la réaction des entraîneurs et j'ai tout de suite compris qu'on avait gagné la médaille d'argent. »

Sur le podium, Abel a exprimé beaucoup d'émotions, essuyant quelques larmes.

« Ce n'est pas facile de venir ici, a-t-elle expliqué. Tout le monde parle du potentiel, de la médaille. Je me mets déjà assez de pression et j'en mets sur Mélissa aussi.

« J'étais vraiment émotive parce que je n'aurais pas pu avoir une meilleure partenaire que Mélissa, une personne qui me supporte. Je ne suis pas toujours facile à gérer. Je suis très "picky" (exigeante). Mélissa a toujours été là pour moi, c'est d'avoir réalisé ça ensemble qui m'a rendue vraiment émotive. »

Pour Abel, il s'agit d'une deuxième médaille olympique, après celle de bronze en compagnie d'Émilie Heymans à Londres en 2012. .

« En 2012, j'étais jeune. Avec Émilie, c'était elle qui avait toute l'expérience et l'occasion de faire quelque chose d'énorme pour sa carrière et pour l'équipe canadienne – NDLR : devenir la première à gagner une médaille olympique lors de quatre Jeux olympiques d'été consécutifs.

« J'étais dans la position où je ne voulais pas être celle qui l'empêche d'avoir ce titre. Ici, je voulais le faire pour Mélissa, c'était pour notre équipe. Nous sommes deux filles très exigeantes, nous travaillons fort, nous sommes toujours prêtes à en faire plus pour arriver à atteindre nos objectifs et c'est ce que nous avons fait aujourd'hui. »

Abel tentera d'appliquer la même recette, dimanche prochain, lors de la finale au tremplin de 3 mètres individuel.