GANGNEUNG, République de Corée - On doit au moins saluer la détermination d'Elizabeth Marian Swaney.

L'Américaine, qui défendait les couleurs de la Hongrie, a aussi eu la bonne idée de ne rien essayer - et on veut vraiment dire ne rien essayer du tout - qui aurait pu mal finir sur la demi-lune.

Elle n'aurait jamais dû être aux Jeux de Pyeongchang de toute manière. Et il en va de même pour ces « skieurs » qui représentaient des pays en manque de neige comme les Philippines, l'Érythrée, le Mexique et le Pakistan.

Des athlètes plus déterminés que talentueux comme Eddie the Eagle (Eddie l'Aigle, la coqueluche des Jeux de Calgary en 1988) qui s'envole du tremplin de saut à ski ou encore Eric the Eel (Éric l'anguille, le nageur guinéen qui a failli se noyer dans la piscine olympique de Sydney) n'ont plus rien d'amusant.

Les Jeux n'ont pas besoin d'eux.

Swaney a relancé le débat concernant qui a sa place aux Olympiques avec sa performance sans fioritures ou acrobaties. Dans un sport où les participants défient la mort avec des envolées vertigineuses, elle s'est contentée de descendre doucement, en oscillant de droite à gauche dans la demi-lune, heureuse de se rendre en bas en un seul morceau.

La foule a accueilli sa performance avec un silence stupéfait, en se demandant probablement si elle était au bon endroit. Swaney a rapidement été dénoncée et ridiculisée sur les réseaux sociaux.

« Ce n'est pas un univers de Disney pour adultes où on peut prendre un égoportrait, a écrit quelqu'un sur son compte Instagram. Les Olympiques mettent en vedette les MEILLEURS athlètes du monde, et Swaney en a fait une farce. Elle s'est moquée de ceux qui ont travaillé toute une vie. Elle s'est moquée de la demi-lune en général. Elle a fait tout ça simplement pour pouvoir dire qu'elle est une olympienne. Incroyable. »

Si le cas de Swaney est extrême, et s'il devrait engendrer des réformes immédiates pour éviter que ça se reproduise, elle est loin d'être la seule à ne pas avoir les qualifications qu'on attend des olympiens. Au moins deux skieurs nord-coréens ont fini un total de 98 secondes derrière le médaillé d'or au slalom géant chez les hommes, après avoir été ajoutés à la toute dernière minute à une délégation « réunifiée ».

Le skieur qui a terminé tout juste devant eux n'a pas la même excuse: l'Américain de 17 ans Charles Flaherty, qui représentait Porto Rico, a terminé 38 secondes derrière le gagnant.Il a commencé à skier après avoir vu les Jeux de Sotchi en 2014. Quatre ans plus tard, il était jugé apte à défendre les couleurs de Porto Rico - où sa famille est déménagée quand il avait neuf ans - aux Jeux olympiques.

Ça devrait être plus difficile que ça de s'y rendre.

Mais Flaherty passe pour un vétéran aguerri quand on le compare au skieur mexicain German Madrazo, un homme de 43 ans qui a chaussé des skis de fond pour la première fois il y a un an - ce qui lui a donné assez de temps pour se rendre à Pyeongchang. Sans surprise, il a été le dernier des 116 participants à franchir la ligne d'arrivée de l'épreuve du 15 kilomètres, près de 26 minutes derrière le vainqueur.

« Ça ne fait rien que vous ayez 43 ans et ça ne fait rien s'il n'y a pas de neige au Mexique et ça ne fait rien si vous n'avez pas d'argent pour pratiquer le sport, a-t-il dit. Ce qui est important c'est que vous pouvez le faire si vous voulez le faire. »

C'est certainement un sentiment noble, mais mettez-vous dans la peau de ces athlètes de classe mondiale que le système de qualifications a condamnés à regarder les Jeux depuis leur salon.

Le Comité international olympique réplique habituellement que la participation d'athlètes sous-qualifiés comme Flaherty et Madrazo pourrait allumer une flamme dans des pays qui n'ont aucune tradition de sports d'hiver. Qu'on se détrompe: les Porto Ricains n'auront jamais d'intérêt pour le ski alpin et le Mexique ne deviendra pas un terreau fertile du ski de fond.

Ces athlètes - qui composent souvent la totalité de la délégation olympique de leur pays - traînent souvent derrière eux des gens bien branchés qui profitent d'une vacance olympique toutes dépenses payées.

On a tous souri en voyant Pita Taufatofua, le seul représentant des îles Tonga, entrer torse nu dans le Stade olympique. Mais il était suivi d'au moins trois dirigeants bien emmitouflés de cet archipel du Pacifique Sud.

Taufatofua a terminé 114e au 15 kilomètres, devançant Madrazo et le Colombien Sebastian Uprimny.

« Tout le monde skiait devant pour terminer premier, a-t-il dit. On skiait pour ne pas finir dernier. »

Certains diront, sans avoir entièrement tort, que des athlètes comme Madrazo et Taufatofua injectent une dose de diversité grandement nécessaire aux Jeux, comme l'avaient fait avant eux les équipes de bobsleigh du Nigeria et de la Jamaïque.

On ne peut pas en dire autant de Swaney. La Californienne a tout simplement exploité les failles béantes du système de qualifications en participant à suffisamment d'épreuves pour se rendre jusqu'aux Jeux en ne faisant rien de plus que rester debout sur ses skis. Elle n'avait aucune chance de représenter les États-Unis, mais elle a pu représenter la Hongrie d'où sont originaires ses grands-parents.

« Je veux inspirer les gens à faire du sport ou à relever un nouveau défi à n'importe quel âge », a dit la femme de 33 ans.

Ce n'était pas la bonne façon de s'y prendre.