TOKYO – Le Canada vient de connaître les meilleurs Jeux olympiques de son histoire en judo, avec la conquête de deux médailles de bronze et deux cinquièmes places. Malgré tout, c'est un bilan mitigé que dresse Judo Canada.

« On avait quatre athlètes qui étaient têtes de série, un cinquième qui était à un rang de l'être, donc, on savait qu'on avait une belle équipe et des chances de médailles. Évidemment, on espère toujours mieux. D'être passés si proche et de perdre deux combats de médaille de bronze, ça laisse un goût amer », a indiqué Nicolas Gill, directeur général et directeur de la haute performance à la fédération nationale.

« On espère toujours mieux, a-t-il poursuivi. Je pense que Jessica Klimkait espérait mieux qu'une médaille de bronze aussi. Elle a perdu un combat extrêmement serré en demi-finales. Mais sur l'ensemble, compte tenu aussi des conditions dans lesquelles on a évolué dans la dernière année, ça aurait été dur de demander mieux. Il y a beaucoup de belles choses qui se sont passées. »

Gill ne quittera toutefois pas le Japon en croyant que ces Jeux ont été décevants.

« Les athlètes, de manière générale, ont été excessivement bons, a-t-il insisté. Je ne pense pas que nous ayons perdu des combats que nous ne devions pas perdre. Personne ne s'est fait déclasser; tout le monde était prêt. C'est rare qu'on sorte d'un tournoi de cette envergure et qu'on puisse dire ça. Sur l'ensemble, il faut être très satisfait. Il ne faut pas perdre de vue dans quel contexte ça a eu lieu. »

Ce contexte, c'est évidemment la pandémie et les mesures contraignantes qui ont été imposées à toutes les fédérations sportives. Pendant que des nations d'Europe et d'Asie ont pu poursuivre leur entraînement, les judokas canadiens ont été confinés chez eux pendant de longs mois. Il faut ajouter à cela toutes les compétitions annulées depuis mars 2020, qui ont empêché les athlètes canadiens de s'améliorer, mais surtout de se mesurer à leurs compétiteurs.

« Les Jeux ont été repoussés, nous avons même pensé qu'ils allaient être annulés, a ajouté l'entraîneur national Sasha Mehmedovic. Je suis si fier des athlètes qui ont participé aux compétitions ici. Nous nous sommes entraînés aussi fort que nous le pouvions; nous nous sommes préparés en équipe. Habituellement, nous passons beaucoup de temps à l'étranger, mais nous ne pouvions le faire cette fois-ci. (...) Nous avions si peu de moyens pour nous préparer, mais nous sommes venus ici et avons offert de solides performances. »

Klimkait et Catherine Beauchemin-Pinard ont offert au pays un premier duo de médailles lors des mêmes Jeux avec leur médaille de bronze. Arthur Margelidon et Shady El-Nahas ont terminé au pied du podium, en cinquième place. Antoine Valois-Fortier a atteint les quarts et terminé neuvième. Ecatarina Guica s'est inclinée à sa première sortie au terme d'un combat serré contre la septième au monde.

Maintenant, que réserve l'avenir à Judo Canada, qui comptait quelque 20 000 membres au début de la pandémie?

« Il s'est fait très peu de judo au Canada depuis mars 2020, a noté Gill. Ça reprend tranquillement. Dans plusieurs provinces, la reprise est relativement normale. Combien nous aurons de participants à l'automne? Dur à prédire. Est-ce que nous serons une fédération en santé? Je n'ai aucune idée, pour être bien honnête. Le temps va nous le dire. On va mettre les efforts nécessaires. La clé c'est que nous puissions reprendre une pratique sécuritaire.

« Je pense que la semaine ici va nous aider, a-t-il ajouté. Je pense que nos 20 000 participants ont vu de belles performances, des athlètes inspirants. Je pense que ça va les encourager à revenir. C'est ce qu'on souhaite, que ceux qui pratiquaient le sport en mars 2020 soient de retour dans les clubs à l'automne 2021. J'espère que la dernière semaine les a stimulés. »

Et financièrement? Sûrement que cette récolte historique attirera les organismes fédéraux responsables du financement des sports de haut niveau?

« Ça ne peut pas nous nuire. Est-ce que ça va aider? Je ne connais pas l'impact encore. En théorie, oui, ça devrait nous aider. Mais c'est un autre débat », a laissé tomber Gill, unique double médaillé olympique de la discipline au pays.

Objectif Paris

Le blues post-olympique que connaissent un peu tous les sports après une olympiade devra être de courte durée cette fois : les Jeux de Paris s'ouvriront dans moins de trois ans. Judo Canada ne fera pas exception et après une courte pause, ses artisans devront retourner à la planche à dessin.

« On prépare déjà la nouvelle saison, a admis Gill. S'il y a six athlètes ici, il y en a tout un lot qui attend à la maison. Les athlètes auront une pause dans le cycle, mais la roue n'arrête pas tourner, comme pour les entraîneurs et les gestionnaires. Les prochains Jeux sont dans trois ans : nos sélections vont commencer au mois de mai. C'est bientôt.

« Certains athlètes vont changer de catégorie. Je pense qu'il y en a plusieurs qui vont poursuivre, mais ils vont tous avoir une réflexion à faire : certains ont beaucoup de mal à faire le poids.

« Entre maintenant et le mois de mai, il faut donc revoir "nos inventaires", voir quels athlètes seront dans quelles catégories de poids. Prenons Christa Deguchi, championne du monde 2019 : elle est prise derrière Klimkait (chez les 57 kg). Que va-t-elle faire? Va-t-elle monter, baisser de poids? On n'a pas eu ces discussions encore; toute l'attention était portée vers les Jeux. Les prochaines semaines vont servir à ça. »

Et pour certains, comme Valois-Fortier et Beauchemin-Pinard, la discussion tournera autour de leur avenir bien plus de leur poids. Si le premier a indiqué qu'il allait s'accorder une pause avant de trancher, Beauchemin-Pinard compte revoir sa position dans un an. Il y aura donc un certain changement de la garde au sein des troupes.