Le genou de Marquis flanche

BOKWANG, République de Corée - Philippe Marquis a indiqué qu'il mettra un terme à sa saison après les Jeux olympiques de Pyeongchang, et peut-être par le fait même à sa carrière de bosseur. Mais avant, il veut prouver à son père qu'il avait tort.

Marquis, dont le père est le chirurgien-orthopédiste François Marquis, s'est souvenu de son retour à la maison après avoir été victime d'une rupture du ligament croisé antérieur à un genou à la Coupe du monde de ski acrobatique de Deer Valley en janvier.

«Mon père a été le plus réaliste dans toute cette histoire-là, a-t-il d'abord raconté. Il m'a fait son classique diagnostic sur le divan de la maison en me disant : 'Je suis désolé, mais c'est foutu.' Et là, je l'ai regardé et je lui ai dit : 'Penses-tu que je peux aller aux jeux quand même?' Et il m'a répondu que oui, ça se pouvait, mais que ça allait être vraiment dur. Et c'est là que je me suis dit que j'allais essayer.»

Pour se retrouver en Corée du Sud, Marquis a cependant dû faire des concessions - dont limiter son entraînement. Il n'a d'ailleurs skié que dans la partie supérieure du parcours lors de la séance d'entraînement au Phoenix Snow Park de Bokwang, mercredi soir.

«Il y a trois ou quatre semaines, je n'y croyais pas tellement, mais j'y suis, a évoqué Marquis. Je ne vous garantis pas que je suis très fort - il faut être réaliste avec ma situation, je ne pourrai envisager un podium ici -, car les conditions sont très fermes, ce qui n'est pas très bon pour mon genou. J'ai ressenti un peu de douleur après deux ou trois descentes. Je dois donc être intelligent et ne pas tenter de trop en faire.»

Il a ajouté qu'il ne comptait pas effectuer de descente complète avant la journée de la course, de manière à éviter d'aggraver sa blessure. Marquis misera plutôt sur son expérience acquise au fil des ans afin de compenser son manque d'entraînement.

«Je suis en mode 'all-in', a-t-il admis. J'espère que ça va passer, et non casser. Pour être franc avec vous, je vais arrêter (de skier) uniquement si mon genou lâche. Je vais m'accrocher à la piste aussi longtemps que je le pourrai, jusqu'à ce que mon corps dise non.»

Marquis a donc indiqué qu'il passera sous le bistouri dans trois semaines. Le bosseur âgé de 28 ans originaire de Québec a ajouté qu'en choisissant cette date, il mettait du même coup une croix sur le reste de la saison sur le circuit de la Coupe du monde.

«Je me suis tellement battu depuis trois semaines. Ç'a été probablement les trois semaines les plus difficiles de toute ma vie, a-t-il confié. Certains jours, j'étais optimiste, alors que d'autres j'avais l'impression de laisser tomber tout le monde. J'y vais maintenant un jour à la fois.»

Il a ajouté que la période de rééducation devrait lui permettre d'être rétabli vers la fin juillet ou le début du mois d'août, et qu'entre-temps il songera à son avenir sportif.

«Je voulais le faire le plus tôt possible (l'opération), afin de me donner le plus de temps possible afin de penser à mon avenir rendu à l'automne», a-t-il conclu.

Le jeu du chat et de la souris

D'autre part, les adversaires de Mikaël Kingsbury ont tenté de le déstabiliser en rappelant qu'il n'avait plus son aura d'invincibilité depuis sa deuxième place à la Coupe du monde à Mont-Tremblant, le 20 janvier.

En dépit de la séquence irrésistible de 13 victoires en Coupe du monde du bosseur âgé de 25 ans de Deux-Montagnes, l'Australien Matt Graham et les autres bosseurs croient qu'ils pourraient le surprendre à Pyeongchang.

«Mikaël est un athlète exceptionnel, il est très constant, et c'est ce qui le rend si bon. Mais il est battable. Je peux le battre, et plusieurs autres gars peuvent le faire aussi», a déclaré Graham, en référence notamment au Japonais Ikuma Horishima, qui l'a battu à Mont-Tremblant en janvier.

Le principal intéressé n'a pas paru trop ébranlé par ces commentaires, admettant même qu'il était «battable».

«Matt, c'est un de mes bons amis. Mais je suis humain, et ce n'est pas si compliqué de me battre - vous savez, je me bats contre moi-même à chaque jour, a-t-il dit. Mais à Tremblant, c'était une piste d'enfants, alors qu'ici, c'est une piste d'hommes. Et je ne suis pas ici pour battre personne, mais plutôt pour skier au meilleur de mes capacités.»

Kingsbury a d'ailleurs été l'un des rares bosseurs à effectuer systématiquement des descentes complètes sans chuter, mercredi.

«La piste est raide, et dans ces conditions-là il faut que je laisse mes jambes les plus souples possibles, afin d'absorber les chocs, a-t-il expliqué. C'est une piste qui ne pardonne pas si tu es trop tendu.»

Graham espère donc qu'il sera en mesure de résoudre l'énigme du parcours sud-coréen d'ici les prochains jours, mais demeure conscient de l'ampleur de tâche qui l'attend.

«Depuis son arrivée sur le circuit, il y a sept ans, il (Kingsbury) a mis la barre vraiment haute et on dirait que c'est devenu un jeu du chat et de la souris, a poursuivi Graham. Nous tentons simplement de le rattraper.»