Des moments touchants dans ces Jeux, il y en a eu à la tonne. On m’a demandé d’en trouver dix... Quoi? QUE dix? Les voici alors... et pas nécessairement dans l’ordre. Ne me demandez pas ça aussi!

Les filles de bronze

Les prétentions de médaille étaient réelles pour le rugby chez les filles. Médaillées d’or aux Jeux Pan Am, championnes du dernier tournoi de la saison devant la puissance australienne, les indicateurs pointaient vers le podium. Mais encore fallait-il y arriver. Elles ont joué avec cœur, elles ont joué avec fougue, elles ont fait découvrir un nouveau sport qui a enflammé les Jeux de Rio, et elles sont montées sur le podium! Les deux plus hautes marches ont été accaparées par les représentantes de l’hémisphère sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. C’est donc l’or de l’hémisphère nord qu’elles sont allées chercher!

Au soccer, le seul faux pas des Canadiennes aura été en demi-finale contre les championnes éventuelles, les Allemandes, qu’elles avaient réussi à battre plus tôt dans le tournoi, ce qui était déjà un exploit en soi. Elles ont su se relever avec panache et jouer un match contre 50 011 adversaires. Pas facile de battre l’équipe locale dans une ambiance survoltée. Cette deuxième médaille de bronze olympique, conquise en battant quatre des équipes du top-8 mondial, vient confirmer que le Canada fait désormais partie de l’élite, et que le meilleur est encore à venir.

La sirène

Personne, sauf les initiés, ne connaissait son nom avant les Jeux. Ses performances éblouissantes, sa fraîcheur juvénile, son attitude à la fois modeste et conquérante ont fait de Penny Oleksiak l’une des favorites du public et lui ont valu d’être la porte-drapeau du Canada à la cérémonie de fermeture. Et comme elle n’a que 16 ans, on la reverra sûrement à Tokyo où, à son bagage déjà impressionnant, elle pourra ajouter l’expérience.

Le surhomme

Déjà, participer à une épreuve d’athlétisme aux JO, c’est faire partie d’une élite mondiale. Et dominer dans une compétition, c’est faire partie de l’élite de l’élite. Alors, quand on atteint le podium d’une épreuve qui en compte dix, c’est certainement qu’on n’est plus tout à fait humain! Et là, je ne parle pas de dopage et de gens qui luisent dans le noir. Mais plutôt d’un athlète qui « n’excellait en rien, mais était bon dans tout », Damian Warner qui est allé chercher une étincelante médaille au décathlon. Il a remis au goût du jour une discipline trop méconnue et sous-estimée des Jeux.

L’aigle et son aiglon

L’un des moments de Rio 2016 qui restera gravé à jamais dans l’esprit des gens est certes cette fin de demi-finale où Usain Bolt et André De Grasse se sont retrouvés coude à coude. Sourire sincère ou contrit de Bolt? Arrogance ou défi dans les yeux de De Grasse? Peu importe, ce fut un moment de pur bonheur pour les téléspectateurs, en plus d’être une fenêtre ouverte sur l’avenir. Le roi incontesté talonné par son dauphin, l’aigle qui plane alors que l’aiglon se jette au bas du nid. La finale était une ode à la suprématie de Bolt, mais la remontée de De Grasse pour la médaille d’argent est le plus bel indicateur de l’avenir doré qui l’attend.

Un peu plus haut...

Concours de saut en hauteur fascinant. Pour donner la mesure de ce que les athlètes tentaient de réussir au dernier tour, Jean-Paul Baert a suggéré aux téléspectateurs de se mettre debout dans leur salon et de regarder le plafond. C’est ça que tentaient de franchir les sauteurs, et c’est ce que Derek Drouin a fait. Seul à avoir passé la barre à 2,38, il est devenu le premier Canadien à remporter cette épreuve depuis Duncan McNaughton en 1932. Son parcours parfait, il a tout réussi au premier essai, s’est arrêté sur sa tentative d’atteindre le record olympique à 2 m 40. Il lui a fallu revenir les pieds sur terre...

La médaille de l’amitié

Elles participaient toutes deux à la finale de plongeon de la plate-forme de dix mètres. Pour Roseline Filion, c’était son adieu olympique, pour Meaghan Benfeito l’occasion d’aller chercher une médaille de bronze, la Chine accaparant les deux premières places du podium. Meaghan a eu sa médaille, Roseline a terminé sur un très beau plongeon une magnifique carrière de vingt ans. La sincérité de l’étreinte des deux partenaires et amies était perceptible même à travers l’écran. Ce sera pour elles le plus beau legs de cette carrière sportive : les compétitions passent, mais l’amitié reste.

Les demi-dieux

En quinze participations aux Jeux olympiques, été et hiver, les Îles Fidgi n’avaient jamais remporté de médaille. Il leur aura fallu attendre le retour du rugby pour réussir l’exploit et avec la médaille d’or en plus. Avec des noms évoquant l’exotisme des plages, les nuances turquoise du ciel et de la mer et le souffle de l’alizé sur la crête des montagnes, Viriviri, Kunatani, Ravouvou, Veremalua et les autres ont survolé le tournoi pour remporter avec force et conviction la première médaille d’or du rugby depuis 1924. Que des victoires, dont une serrée contre la Nouvelle-Zélande en quart de finale, et une finale où ces grands gaillards ont pu laisser libre cours à leur émotion. Leur entraîneur britannique Ben Ryan avait déclaré avant le tournoi : « Les joueurs se verront offrir des terres, voire des postes de ministres, en cas de médaille d’or ». C’était dire à quel point ils étaient véritablement l’espoir de tout un peuple. Aujourd’hui, peut-être pas ministres, mais demi-dieux très certainement.

Le chevalier

Il savait qu’il lui fallait tout donner. Le Britannique Nick Skelton ne lui avait pas laissé le choix réussissant, avec son cheval Big Star, un temps de 42,82 sans faute au barrage du concours de saut individuel. Éric Lamaze a joué le tout pour le tout. Il aurait pu y aller sagement, prudemment, et s’assurer d’une médaille avec un parcours sans faute. Mais pour l’or, il fallait aller plus vite que Skelton. Et il voulait l’or, y ayant déjà goûté aux jeux de Beijing en 2008. Il a poussé Fine lady 5, irréprochable jusque-là (ils étaient premiers après chacune des 5 étapes ayant mené au barrage), à faire une coupe risquée sur un vertical... la barre a tremblé, puis est tombée. Ils ont été les plus rapides, mais quatre points de pénalité, ça ne pardonne pas. Médaille de bronze pour un chevalier d’honneur qui n’a pas eu froid aux yeux.

L’émotion la plus pure

Comment rester insensible aux larmes de Aisen Chen, ce jeune athlète chinois de vingt ans, alors qu’il vient de remporter la médaille d’or à la plate-forme au plongeon? Habituellement très stoïque, dans la victoire ou la défaite, ce grand peuple ne nous a pas habitués à tant d’émotion. Son dernier plongeon était certes ce qui touchait le plus à la perfection et on a pu sentir l’immense pression qu’il s’était mise sur les épaules, s’écouler à travers ces quelques larmes.

Les larmes de Pierre Houde, à l’évocation de son grand ami Richard Garneau, étaient tout aussi touchantes. Le professionnalisme n’exclut pas la sensibilité et le cœur s’exprime spontanément de diverses façons. Dans l’euphorie ou la tristesse, Pierre est toujours aussi juste.

Ma chum Annie

Ce fut l’une des plus belles médailles de bronze de l’histoire olympique du Canada. La remontée d’Annie Pelletier de la 10e à la 3e place au tremplin de 3 mètres des Jeux d’Atlanta, est gravée à tout jamais dans nos mémoires. Elle a su transposer avec grâce ce bagage olympique dans ses commentaires d’analyste. J’ai eu la chance de travailler avec elle l’an dernier sur les Jeux olympiques spéciaux de Los Angeles, alors que son bébé Arthur lui donnait une silhouette pimpante et charmante. À Rio, il était plutôt dans ses bras, et dans ceux de son conjoint Alex lorsqu’elle était en poste au centre aquatique Maria Lenk. Annie a dû jongler avec ses tâches de maman, les séances d’allaitement et la confection des petits pots de purée tout en ne négligeant pas sa préparation d’analyste qu’elle fait très minutieusement. Femme authentique et sincère, professionnelle et chaleureuse, j’ai beaucoup d’affection et d’admiration pour Annie Pelletier.

Ce sont là quelques-uns de mes coups de cœur. Et les vôtres?