Alors que je planifiais l’organisation de ma journée, la sonnerie du téléphone a retenti dans la maison, avec ce son caractéristique des appels interurbains. J’ai eu le plaisir de reconnaître la voix de Richard Gauthier, en direct de Sotchi, au bout du fil.  Un Richard en pleine forme, qui avait préféré me téléphoner plutôt que de répondre par courriel aux nombreuses questions que je lui avais envoyées. « Je suis de la génération qui préfère parler à écrire, dit-il comme pour s’excuser. » Ça tombe bien, je trouve aussi qu’il n’y a rien comme une véritable conversation pour parler à des amis!

Richard était très heureux de la performance de ses protégés, Meagan Duhamel et Eric Radford, lors de la compétition par équipe. « Ils ont préféré ne faire que le court, disait-il, parce que la compétition en couples arrive très vite dans la semaine et on voulait éviter la fatigue. Patrick (Chan) a aussi préféré ne pas patiner le libre ». Ce qui a ouvert la porte à Kevin Reynolds qui a fait une très bonne performance.

« Avec Meagan et Eric, poursuit Richard, on planifie trois bonnes performances : championnats canadiens, Jeux olympiques et championnats du monde. Je suis très content de ce qu’ils ont réussi. Ici, pour la compétition en couple, on va vraiment se concentrer sur les résultats et pas autre chose. » On parlait des rumeurs de complot évoquées par le journal français L’Équipe et reprises dans le Globe and mail ce week-end. Des rumeurs suggérant que les juges américains et russes se seraient entendus pour gratifier leurs athlètes en tentant d’évincer du podium les autres nations menaçantes, comme le Japon et le Canada. « Ça nous ramène à Salt Lake City, dit Richard, mais que veux-tu, ce sont des choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. Pour le programme court en couple, nous aurons un tout nouveau panel de juges qui sera tiré au hasard. Nous croisons les doigts pour qu’il n’y ait pas trop de juges venant de fédérations de petits pays (ou provinces) supportés par la fédération russe de patinage. Ils peuvent se sentir en dette face à la Russie qui les soutient par l’octroi de bourses.  Pour le programme libre, ce sera à nouveau un autre panel de juges. »

Jusqu’à maintenant, on a pu sentir une ambiance du tonnerre dans le palais des sports de glace Iceberg, remplie à craquer… de Russes. « C’est assez étonnant, fait remarquer Richard, quand on considère que les billets se vendent à 700 $ près de la glace et à 400 $ en haut de l’aréna et que les gens ne sont pas si riches ici. Ça explique bien sûr pourquoi il y a une telle euphorie dans les gradins quand un patineur russe est sur la glace. Ça encourage l’athlète bien sûr, mais ça ne peut pas manquer d’avoir une certaine répercussion sur les juges qui sont eux aussi portés par cette vague. »

« Je suis venu à Sotchi pour la finale des Grands Prix, en décembre dernier, poursuit Richard Gauthier, et je dois dire que les installations ont été grandement améliorées. Il y a une différence énorme entre ces deux moments. Même les Russes, qui étaient un peu secs en décembre, sont aujourd’hui très accueillants et souriants. »

Et je n’ai pu m’empêcher de lui parler de sécurité. Est-ce très lourd à vivre? «  Deux semaines avant que je parte, ma mère m’a demandé si j’étais certain de vouloir y aller, répond-il.  Elle s’inquiétait avec toutes les rumeurs qui circulaient. Et bien je dois dire que tout se passe très bien. Ici, au village olympique, tout est parfait. On a entendu parler des problèmes de certains journalistes qui occupaient des chambres encore en construction, mais ce n’est pas le cas pour nous. La sécurité est présente, mais pas lourde du tout. Et même la météo s’est mise de la partie. Il fait très beau et c’est très agréable. »

La compétition reprend mardi avec le programme court en couple. Ce sera suivi des hommes, de la danse, et des femmes. Si on espère une médaille d’or pour Virtue et Moir, les champions olympiques en titre, il faut admettre que ce sera difficile d’y arriver. « Outre le fait qu’ils ont régulièrement terminé deuxièmes derrière Davis et White durant la saison, analyse Richard Gauthier, ils n’ont pas été parfaits à leur programme libre. L’un des portés a été vraiment laborieux et ils ne pourront se permettre ce genre d’erreur à la finale. La compétition va être féroce entre eux et Davis/White, et même avec les Russes. » Difficile, mais pas impossible. Là aussi on va croiser les doigts.

Et Richard est retourné à ses occupations, lui qui quittera Sotchi après la performance de ses athlètes. Bons baisers de Montréal, Richard!