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21 mai 2020. Je suis en télétravail, comme une très grande majorité de personnes, avec mon fils de 5 ans à la maison. Il me demande : « Papa, est-ce que je peux avoir quelque chose à manger SVP? » Je lui réponds bien évidemment, oui. Sauf que quelques minutes plus tard, il me regarde et me dit : « Papa, tu oublies tout! » Et moi de lui répondre : « Quoi? » J’avais oublié. Non. Je n’avais pas oublié, c’est comme si notre discussion n’avait jamais eu lieu. Un vide total. Je l’ai regardé, les yeux pleins d’eau, et je lui dis : « Je pense que papa est fatigué. »

Il fallait que je m’arrête. Je m’en imposais trop. À ce moment-là, je croyais que c’était tous ceux autour de moi qui m’en demandaient trop, mais avec le temps j’ai compris, c’est moi qui en suis la cause : je n’ai pas su imposer mes limites. Normal. Je n’en avais pas… du moins je pensais.

Premier « échec »

J’écris alors à ma psychologue. (J’ai d’ailleurs retrouvé le courriel en question, je vous le partage en intégralité.)

***

Je me sens épuisé, démotivé, frustré. 

J'angoisse à rien. 

J'ai le goût de tout lâcher. Je ne vois pas quand ça va se terminer...

Et le soir, je suis vidé. 

Notre discussion de mardi soir m'a fait un bien énorme... mais deux jours plus tard, ça recommence. Je pensais que ça irait mieux... 

Mon fils m'a dit aujourd'hui : Papa tu oublies tout! 

Je ne me reconnais plus... je suis épuisé. 

***

Me voilà confronté à ce que j’appelais mon premier « échec ». J’utilise ce mot encore aujourd’hui pour bien illustrer comment je me sentais, mais j’ai compris que ce n’en est pas un.

Je suis donc en arrêt de travail, mais je ne l’accepte pas, mais pas du tout, même si je sais que c’est nécessaire. Tout le monde autour de moi, littéralement tout le monde, me supporte. Mais moi, je considère que j’ai échoué. Comment en suis-je arrivé là? Comment ça se fait que je ne me suis pas vu aller? L’acceptation prendra du temps…

Deuxième « échec »

Je ne sais pas pourquoi, mais je m’étais mis en tête qu’après trois mois, je serais correct. Je pourrais retourner au travail. Nous sommes à la fin août, voilà trois mois que je suis en arrêt de travail. Je discute avec ma psychologue à son bureau. Je ne me sens toujours pas prêt à reprendre le travail. Je ne comprends pas, je devrais être rétabli après trois mois, franchement. J’ai un autre poids qui me pèse. Et pendant la discussion, je m’arrête : « Tu sais, je m’écoute et je réalise que c’est comme si j’avais échoué dans mon repos ». Ma psy ne fait que hocher de la tête en signe d’approbation.

Vous avez bien lu. Je m’étais mis la pression d’être reposé après trois mois et je n’y étais pas arrivé. J’avais encore une fois échoué. Dans mon repos. Faut le faire! Je pense qu’on est au top de l’anxiété de performance. Je m’étais imposé, inconsciemment, de performer dans mon repos. Rien de bien reposant.

Troisième « échec »

Dans la même période est venu le sujet de la médication avec mon médecin. Sujet que j’avais abordé avec ma psychologue quelque temps auparavant, mais qui devenait réalité avec mon médecin.

Échec lamentable. Je ne suis pas capable de m’en sortir par moi-même. J’ai besoin de médicaments.

J’ai accepté de les prendre, mais je ne voulais que personne ne le sache. J’étais un lâche, un faible.

Moi, Sébastien Boucher, je devais prendre des médicaments parce que je ne suis pas capable de contrôler mon anxiété. Ouch. Encore une fois, je ne voulais pas, mais je savais que c’était pour le mieux.  

Bienvenue chez les humains

Deux mois plus tard, je rencontre mon médecin en personne. Je lui dis que je suis tanné de me prendre pour Superman ; de prétendre que je peux tout faire seul et de le faire de la meilleure des façons, toujours au mieux. Elle me répond : « Bienvenue chez les humains ».

Je fonds en larmes. C’est ça être humain. On a le droit d’être fatigué. On a le droit d’avoir peur. On a le droit d’avoir de mauvaises journées. On a le droit d’être blessé, physiquement je parle. Toutes des choses que je ne m’autorisais pas avant. J’étais dans la performance.

Je n’avais aucune limite. Mais l’anxiété de performance m’a envahi. Même préparer le petit-déjeuner de mon fils était devenu une performance. Un trajet en voiture en était une. C’était partout. Imaginez ce que je m’imposais au travail. Je n’étais JAMAIS satisfait. Parfois fier, mais JAMAIS satisfait.

Moi qui pensais que l’anxiété de performance était réservée aux athlètes…

Je pouvais bien être épuisé.

Aucun échec

La meilleure chose qui me soit arrivée, c’est cet arrêt de travail. La pandémie m’aura fait frapper un mur vers lequel je me dirigeais de toute façon.

Les médicaments, je les accepte (ç'a été très long de les accepter parce qu’ils m’ont fait prendre du poids ; prise de poids que j’ai encore de la difficulté à accepter). Mais les médicaments m’aident à contrôler mon anxiété, à « me voir aller ». 

J’essaie de ne plus être dans la performance, mais ce n’est pas toujours évident. J’apprends.

Une chose est certaine, je ne veux plus retourner où j’étais avant mon arrêt.

Sébastien Boucher