Quiconque a tendu l’oreille aux ondes radiophoniques de la grande région de Québec pendant les années 1990, 2000 et 2010 a entendu la voix chaleureuse de Mario Hudon au moins une fois.

Éric Gagné et Mario HudonDe CHRC au FM 93 en passant par CKNU, CIMI, CHOI et Québec 800, « Super Mario » – ou le « Gérant d’estrade » – a passé un nombre incalculable d’heures à parler de sports. À la fin de sa carrière, il a aussi marqué les esprits avec ses chroniques circulations spécialement déjantées.

C’est à l’époque de Québec 800 que j’ai la chance de connaître Mario et de discuter boxe – bien évidemment! – avec lui de manière plus ou moins ponctuelle. Au moment de mon appel, le 26 mai, cela faisait dix ans jour pour jour que Lucian Bute avait affronté Carl Froch à Nottingham. Nous avions d’ailleurs assisté à ce combat charnière dans l’histoire de la boxe québécoise.

Mario était l’archétype de l’animateur généreux qui laisse toute la place à ses collaborateurs. Pour quelqu’un comme moi qui étais encore vert à ce moment-là, il m’a permis de gagner en confiance et toutes les leçons apprises il y a plus d’une décennie me servent encore aujourd’hui.

Mario avait vécu toutes sortes d’épreuves dans sa vie – ce que j’ignorais totalement encore récemment –, mais il dégageait toujours une énergie et une joie de vivre hors du commun. Comme plusieurs, j’ai été sidéré d’apprendre son diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA) – qui est également connue sous le nom de maladie de Lou Gehrig – en décembre 2020.

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Cela faisait quelques années que je n’avais pas eu de contact avec Mario – il avait réorienté sa carrière après la fin de son contrat avec le FM 93 en 2017 – et je me disais que la Journée Lou-Gehrig organisée par le Baseball majeur le 2 juin était un prétexte pour avoir de ses nouvelles.

J’avais lu et regardé quelques reportages consacrés à lui dans les médias locaux il y a un peu plus d’un an et j’espérais intérieurement retrouver la voix que je connaissais. Mais ce n’est pas ce qui s’est déroulé. Percevant admirablement bien mon hésitation, Mario a rapidement cassé la glace.

« La maladie s’est maintenant attaquée à mes cordes vocales. Je n’ai pas de difficulté à respirer, mais ça me demande un peu plus d’effort pour parler. Comme c’est là, je ne me rendrai pas aux Fêtes, m’a-t-il avoué. Mario n’a jamais utilisé de faux-fuyant et ce n’est pas la maladie qui allait le changer. Il faut savoir que l’espérance de vie de 80 pour cent des gens atteints de la SLA est de 2 à 5 ans. Au pays, 3000 personnes sont porteuses de la maladie. Au Québec, il y en a 600. »

Fondamentalement, il n’y a pas de « bonne » ou « mauvaise » façon de réagir à l’annonce d’un diagnostic comme celui-là. Ceux et celles qui ont le moindrement côtoyé Mario ne seront pas surpris d’apprendre qu’il a décidé de joindre la « Team SLA » avec toute la ténacité possible.

« Je n’ai pas de temps à perdre à être fâché, indique-t-il. La journée où j’ai appris que j’avais la maladie, j’ai rencontré mes enfants et je leur ai tout expliqué. Je n’ai rien changé à ma façon de voir les choses. J’ai décidé de m’impliquer et tous mes amis des médias m’ont ouvert les portes.

« Les réactions et commentaires m’ont viré à l’envers. À vrai dire, ça m’a fait chaud au cœur. J’ai aidé beaucoup de gens dans le passé et ils me le rendent aujourd’hui très, très bien. Je suis fier de ce que j’aurai pu laisser. Les gens pourront dire que j’ai aidé à faire bouger un peu les choses.

« Par le passé [la société canadienne de la SP] n’avait pas d’accès aux médias francophones. Mon implication a permis de faire connaître encore mieux la maladie. Je sais qu’il n’y a plus d’espoir pour moi aujourd’hui, mais il y en aura pour les autres. Et ça... ça me réconforte. »

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Même si la maladie est étudiée depuis plus de 170 ans, il n’existe encore aucun traitement qui permet de la guérir ou encore de la contrôler. Heureusement, il semble y avoir enfin un peu de lumière au bout du tunnel. Un médicament qui ralentirait la progression de la SLA – l’AMX0035 – pourrait être approuvé par la Food and Drug Administration aux États-Unis d’ici la fin juin 2022.

Il ne s’agirait là que de la première de nombreuses étapes qui s’annoncent plutôt prometteuses.

« L’Ice Bucket Challenge a amené énormément d’argent et les chercheurs disent que l’espoir arrivera dans trois ou quatre ans, explique Mario. Lou Gehrig est mort il y a 81 ans et il n’y a pas de traitement. D’arriver à stopper la progression de la maladie  serait un énorme pas en avant.

« J’ai rencontré le ministre [de la Santé et des Services sociaux Christian] Dubé et lui ai fait part des développements [au sujet de l’AMX0035]. Il m’a dit qu’il allait tout faire en son pouvoir pour que l’INESS (Institut national d’excellence en santé et service sociaux) priorise ce dossier. Deux jours plus tard, j’apprenais que le dossier se retrouvait au-dessus de la pile. J’en suis très fier.

« Il faut conscientiser qu’il y a 3000 personnes atteintes de la SLA, mais surtout que la maladie touche tous ceux et celles qui les entourent. Nos proches voient nos capacités diminuer toutes les semaines. Chaque jour, nous perdons un peu de mobilité. Nous devenons très dépendants. »

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Je l’écrivais plus tôt, la vie de Mario a été parsemée d’embûches et de résilience. À 22 ans, sa première femme et l’enfant qu’ils attendaient sont décédés des suites d’un accouchement catastrophique. En 1991, il a sauvé un bambin de 18 mois de la noyade au Lac Saint-Charles.

Ces expériences expliquent en grande partie pourquoi il accepte le sort qui l’attend. Plus les semaines passent, plus la maladie fait son œuvre. Il s’épuise beaucoup plus rapidement que par le passé. Chaque mouvement demande un effort beaucoup plus important que le précédent.

« Je m’attendais à vivre jusqu’à 80 ans, mais ça ne sera pas le cas, conclut-il. Tous mes papiers sont signés pour le don d’organes. Mon cerveau et ma moelle épinière iront pour la recherche. J’ai pris la décision de partir quand je ne serai plus capable de respirer et avaler par moi-même.

« D’ici là, j’espère laisser un beau message. Je veux transmettre ma joie de vivre à tous ceux et celles qui restent. C’est une maladie qui est très difficile, mais c’est nous qui avons été choisis. »

Les minutes passent. Nous avons ri. Nous avons pleuré. Nous avons même pris le temps de nous dire que nous nous aimons. Je lui téléphonais pour discuter au sujet de la Journée Lou Gehrig... je pense sincèrement qu’aujourd’hui et pour toujours, je parlerai de la Journée Mario Hudon.