À écouter Novak Djokovic, dans toute sa modestie, on ne croirait pas avoir affaire au meilleur joueur de tennis de la planète. Questionné à savoir s'il était réellement l'homme à battre à Montréal cette année, comme les affiches promotionnelles à son effigie l'indiquent, sa réponse est on ne peut plus humble. Il n'a pas non plus le sentiment d'être imbattable même s'il dégage cette aura sur le terrain.

« Tous les joueurs ont tendance à penser qu'ils sont dans cette zone s'ils ont l'impression de jouer leur meilleur tennis et qu'ils n'ont pas de défaut majeur. Mais personne n'est invincible, je pense que ça n'existe pas. On cherche toujours à s'améliorer, on recherche la perfection ou le plus haut niveau possible.

« Je sens que je suis dans la même position que tous les autres joueurs qui luttent pour le trophée. »

Les prochaines semaines au bout desquelles se profilent les Internationaux des États-Unis sont exigeantes. Seulement trois joueurs ont déjà réussi à remporter la Coupe Rogers, Cincinnati et le US Open la même année : Patrick Rafter (1998), Andy Roddick (2003) et Rafael Nadal (2013). C'est d'ailleurs pourquoi le Serbe a tenu à prendre une pause après sa consécration au All England Club, afin de reprendre des forces.

« Quand Wimbledon a pris fin, je cherchais à recharger mes batteries et à passer du temps avec ma famille pendant quelques semaines. Je suis retourné chez moi pour m'entraîner avant de prendre la route pour le Canada. »

Ce fut sûrement une sage décision. Redevenu no 1 depuis juillet 2014, Djokovic a connu un bref passage à vide – du moins selon ses standards – à cette même période l'an dernier. À Toronto, face à l'éventuel champion Jo-Wilfried Tsonga, c'était la première fois qu'il perdait avant les quarts de finale en huit présences au tournoi canadien et il a ensuite été éliminé au même stade dès la compétition suivante. Il ne se trouve toutefois plus dans le même état d'esprit aujourd'hui.

« Je me sens différent de l'an dernier. Avec Wimbledon, le mariage et tout ce que j'ai vécu à cette période de la saison, ça faisait beaucoup. Ce furent de belles expériences et des moments dont je vais toujours me souvenir, probablement la plus remarquable année de ma vie, mais j'étais vraiment exténué et je suis arrivé à Montréal sans être complètement prêt émotionnellement et sans l'énergie nécessaire pour compétitionner à un haut niveau. En débarquant à New York, je n'avais pas accumulé beaucoup de matchs en banque. J'ai quand même atteint les demi-finales, mais je n'ai pas joué comme je le souhaitais sur les gros points et j'ai perdu contre Kei Nishikori. »

Ici comme ailleurs, le Djoker est un des favoris de la foule. Le public québécois a eu la chance de le voir rafler le titre en 2007 et 2011, avant de triompher aussi en 2012 à Toronto. Maintenant requinqué, les conditions sont réunies pour que le succès se répète. 

« J'ai toujours hâte de revenir à Montréal. Je trouve que c'est une magnifique ville. J'y ai de très bons souvenirs, ayant gagné à deux reprises. En 2007, c'était l'une de mes victoires les plus importantes à l'époque. Ça m'a donné beaucoup de confiance et une tape dans le dos. Ça m'a fait réaliser que je pouvais rivaliser avec les meilleurs joueurs au monde sur le terrain. J'espère que ces souvenirs vont me pousser à bien faire. »

Avec 2011, cette saison est assurément la plus prolifique de sa carrière malgré le fait que le titre à Roland-Garros lui échappe toujours. Il était sur une lancée de 28 victoires consécutives avant d'y perdre encore une fois en finale contre Stan Wawrinka. Mais être sacré champion en Australie et à Londres en plus de quatre autres tournois de l'ATP (Indian Wells, Miami, Monte Carlo, Rome) est une compensation plus qu'honorable. Djokovic (159) est aussi en bonne voie de rejoindre John McEnroe (170) au cinquième rang de l'histoire pour le nombre de semaines passées au premier rang du classement ATP. Il lui reste encore bien du temps pour repousser un peu plus les normes d'excellence.

« On vient juste de dépasser le cap de la mi-saison, ce n'est pas fini. Il faut persévérer et j'espère que je vais continuer ainsi. Il y a de grandes attentes mais l'expérience peut m'aider dans ce processus.

« Chaque année est différente et présente un défi différent à relever. On change, on évolue comme personne et comme joueur. Je ne peux être le même joueur qu'en 2011 car ma vie a totalement changé. La vie vous envoie des défis et des obstacles à surmonter pour lesquels il faut travailler dur afin de s'améliorer parce que tout le monde le fait. L'année 2014, surtout pour ce qui est de la vie en dehors des courts, a été ma préférée, celle où je me suis marié et où je suis devenu père. En termes de tennis, c'est cette année qui a été la meilleure jusqu'à présent par rapport à 2011. »

Djokovic n'a pas parcouru tout ce chemin vers le sommet seul. Pour en arriver à ce statut, il a eu l'aide de nul autre que le sextuple champion Grand Chelem et membre du Temple de la renommée du tennis Boris Becker.

« Ça fait un an et demi que nous sommes ensemble. Il a fallu passer par tout le processus d'apprendre à se connaître, de comprendre comment chacun envisageait la vie et le tennis. C'est crucial de bien s'entendre sur le terrain et en dehors. Un entraîneur est très important dans la vie d'un joueur de tennis. Il est son mentor, son conseiller, son ami, on doit pouvoir compter sur lui. Nous devions être proches et il m'a fallu du temps pour y parvenir. Depuis la saison de terre battue 2014, tout est allé en crescendo avec le Grand Chelem, la place de no 1. Ç'a toujours été l'objectif dès le début et c'est pour cette raison que Boris a accepté de travailler avec moi. Il voulait entendre que j'avais ces ambitions. Je suis très heureux qu'il soit avec nous depuis presque deux ans maintenant. Il est une légende du sport, il comprend les défis auxquels je suis confronté à la fois sur les courts et en dehors. Il contribue à mon succès. »

Grand favori de la Coupe Rogers pour la cinquième fois de suite, Nole est aussi dans la course en double avec son compatriote Janko Tipsarevic. C'est seulement la deuxième fois cette saison qu'ils unissent leurs efforts en Masters 1000.