LOS ANGELES - À 24 ans, Chris Borland a tourné le dos au football américain et à une carrière en NFL qui s'annonçait prometteuse, de peur de laisser sa santé sur les terrains après un énième et violent choc.

Borland n'est pas un cas isolé : alors que la saison 2015 de la prestigieuse Ligue nationale de football américain débute jeudi, Jake Locker, 26 ans, et Jason Worilds, 27 ans, ont eu aussi pris leur retraite au printemps dernier.

L'un parce qu'« il a perdu le feu sacré » après quatre saisons sous le maillot des Titans du Tennessee, l'autre pour des raisons religieuses.

Tous trois n'étaient encore qu'à l'aube d'une carrière qui s'annonçait brillante et particulièrement rémunératrice avec des salaires se chiffrant en millions de dollars.

Mais le football américain, sport-roi aux États-Unis plus encore que le baseball ou le basketball, laisse des traces dans les organismes, à vie. À mort même.

La prospère et puissante NFL, attaquée en justice par 4000 anciens joueurs ou leurs familles, a fini par mesurer l'étendue du problème.

Elle va débourser 675 millions de dollars pour indemniser des joueurs blessés sur le terrain ou souffrant de pathologies allant de la maladie d'Alzheimer à la maladie neurodégénérative de Charcot.

'Vivre longtemps'

« Je veux vivre longtemps, je ne veux pas avoir l'une de ces maladies neurodégénératives ou mourir plus jeune parce que je joue au football américain », avait expliqué Borland, l'un des défenseurs les plus craints de la NFL, pour justifier sa décision de quitter les 49ers de San Francisco après seulement une saison.

« Si on pouvait jouer au football américain sans risque de dommages cérébraux, je jouerais encore », a-t-il précisé récemment au magazine de la chaîne ESPN.

Borland a complètement tourné la page et ne regarde même plus les nombreux matchs diffusés à la télévision.

« Il y a quelque chose de déshumanisant à se battre pour un ballon lorsque vous êtes coincés tout en bas d'une pile de joueurs », a regretté Borland.

L'électrochoc est venu pour lui à la lecture d'un livre évoquant les graves problèmes de santé d'anciens joueurs des années 1970 et 1980.

Il a ensuite contacté un neurologue de renom qui lui a clairement fait comprendre que « 1 000 à 1 500 chocs et autres coups par saison sur dix ans pouvaient provoquer des dommages qui se manifesteraient plus tard ».

Sans parler de la prise quasi permanente d'anti-inflammatoires pour jouer malgré les blessures et douleurs.

30 commotions cérébrales

Depuis qu'il a pris sa retraite, Borland s'est soumis à des batteries d'examens qui ont permis de déterminer qu'il avait été victime, depuis ses débuts dans la discipline et lors de son passage à l'université de Wisconsin, de 30 commotions cérébrales.

La fin tragique de Junior Seau lui est aussi revenue en mémoire : l'ancien secondeur des Chargers de San Diego s'est suicidé à 43 ans en 2012, trois ans après avoir pris sa retraite.

Son autopsie - qu'il avait demandé dans sa lettre d'adieux - avait révélé qu'il souffrait d'une encéphalopathie traumatique chronique, forme de démence fréquente chez les boxeurs.

Une autre forme de violence avait conduit Jonathan Martin à ranger son casque à seulement 24 ans en 2013 : il avait initialement évoqué des problèmes de dos, mais a révélé le mois dernier qu'il avait été victime de racisme de la part de ses propres coéquipiers à Miami.

Devenu leur bouc émissaire, il a tenté de se suicider à deux reprises.

Le football américain, dont l'image a été ternie en 2014 par de retentissantes affaires de violences conjugales impliquant plusieurs joueurs, voit peu à peu son image pâlir.

Un sondage réalisé en décembre 2014 révélait que 50 % des parents américains espéraient que leur progéniture ne jouerait jamais au football américain.