Le juge Richard Berman a annulé jeudi la suspension de quatre matchs que la NFL avait imposée à Tom Brady le 11 mai dernier. Rappelons que la NFL avait suspendu Brady en plus d'imposer une amende de 1 million $ US aux Patriots et de leur retirer deux choix au repêchage, le tout en raison du scandale des ballons dégonflés.

Le 14 mai 2015, le syndicat des joueurs avait appelé de la suspension de Brady et l'audition s'est tenue en août dernier. Le but de cet appel était de nier la complicité de Brady dans ce scandale.

Fondement de la décision du juge Berman

Essentiellement, le juge Berman a conclu que la preuve que la NFL détenait contre Brady était lacunaire et imprécise. Foncièrement, le juge Berman a soulevé que la NFL n'avait pas réussi à démontrer qu'elle avait appliqué l'article 46 de la convention collective de manière équitable et cohérente. Notons que l'article 46 confère au commissaire de la NFL Roger Goodell de vastes pouvoirs disciplinaires contre les joueurs pour toute conduite préjudiciable à l'intégrité de la ligue. Or, le juge Berman a considéré que Goodell est allé trop loin en sanctionnant Brady comme il l'avait fait. Puisque le juge Berman a identifié de nombreux problèmes dans l'application de l'article 46 par la NFL, il a décidé d'annuler la suspension de Brady. 

Sanction sans précédentet arbitraire

En outre, le juge Berman a conclu que la sanction de Brady devait être annulée sous prétexte qu'elle était sans précédent et arbitraire, spécifiant qu'elle était discrétionnaire et injustifiée. La décision du juge Berman semblait aussi être influencée par le manque de cohérence de la NFL relativement à la discipline de ses joueurs. Ce dernier a statué que la caractérisation des actes répréhensibles est devenue plus sévère dans le cas de Brady, et ce, sans explication. En l'espèce, il n'a jamais été clair pourquoi Brady a été traité différemment.

En effet, sa suspension n'était pas conforme aux règles de la convention collective de la NFL. D'une part, les premières infractions donnent lieu à des amendes en cas de violation d'équipement qui affectent l'intégrité de la compétition. D'autre part, il est prévu dans la convention collective de la NFL que toute personne qui altère les ballons de football est soumise à des mesures disciplinaires, y compris mais sans s'y limiter, à une amende de 25 000 $. De telle sorte que la sanction appropriée pour Brady était l'administration d'une amende et non une suspension puisqu'il n'en était qu'à sa première offense.

En revanche, lors de l'audition, la NFL soutenait que la convention collective ne limitait pas la sanction à 25 000 $ et que la suspension de Brady déteignait aussi de son incapacité à coopérer avec l'enquête Wells. Ces arguments justifiaient, selon la NFL, une punition plus sévère contre Brady. Le juge Berman a toutefois considéré ces arguments injustes. Notons que le défaut de collaboration à une enquête avait mérité une amende de 50 000 $ à Brett Favre des Packers de Green Bay en 2010, et non une suspension. De ce fait, la mesure disciplinaire adoptée par la NFL dans le dossier Brady semblait incompatible avec les pratiques précédentes en de pareils cas. Ainsi, la violation par la NFL des règles prévues à la convention collective a été favorable à Brady.

Le rapport Wells

De surcroît, le juge Berman a invoqué que le rapport Wells n'indiquait pas clairement que Brady savaitque les ballons avaient été dégonflés, mais soutenait plutôt qu'il en avait conscience. Étrangement, Roger Goodell a changé cette version des faits lors de l'audition et a témoigné que Brady avait été de connivence avec McNally et Jastremski et qu'il avait tenté de nuire à l'enquête de la ligue, notamment en détruisant son cellulaire.

Goodell a également indiqué au tribunal que Brady connaissait tout de la tricherie et qu'il y avait délibérément participé. Bref, Goodell a laissé sous-entendre que Brady avait été impliqué dans un stratagème planifié, lequel est une accusation nettement plus grave que celle qui lui était initialement reproché. À cet effet, il est prohibé de modifier les infractions reprochées en cours d'audition puisque Brady a le droit de savoir préalablement la teneur des accusations qui sont portées contre lui.

N'oublions pas que l'enquête menée par la NFL avait établi qu'il était « plus probable qu'improbable » que Brady était au moins « généralement au courant » que McNally et Jastremski avaient délibérément dégonflé des ballons. Le juge Berman a blâmé sévèrement la ligue en invoquant qu'elle manquait de preuves convaincantes. En fait, ce dernier a signalé qu'il n'y avait aucune preuve directe impliquant Brady dans ce scandale. Il a mentionné que les éléments soulevés dans le rapport Wells étaient circonstanciels et qu'ils ne parvenaient pas à démontrer concrètement que Brady avait enfreint les règles. De plus, dans son témoignage, Wells a refusé de conclure que Brady était directement impliqué dans ce scandale. La preuve contre Brady était donc très incertaine.

Du reste, le juge Berman a reproché à la NFL de pas n'avoir transmis un préavis aux équipes à l'effet qu'un joueur pourrait être suspendu pour avoir été « généralement au courant » d'une tricherie. Ce détail est important, car il renoue avec la conclusion du rapport Wells. Comme la preuve était faible et que la punition était trop sévère, le juge Berman a annulé la suspension de Brady.

Appel

Pour la NFLPA, il s'agit d'une très grande victoire. Pour Brady, il était surtout question de redorer sa réputation, laquelle avait été ternie par un rapport lacunaire. Cette décision lui permet donc de se préparer en vue du match inaugural des Patriots contre les Steelers le 10 septembre prochain.

Or, le jugement de Berman ne met pas forcément fin au scandale des ballons dégonflés, car il est possible pour la NFL de porter cette décision en appel. La NFL a 30 jours pour le faire. Le processus d'appel ne constitue pas un deuxième procès et conséquemment n'entendra aucun témoin et ne présentera pas de nouvelle preuve. Cependant, si la NFL décide d'aller en appel, elle serait probablement confrontée à un long et difficile combat.