La question est sur toutes les lèvres : Michel Therrien dirigera-t-il son dernier match dans l’uniforme du Canadien ce soir alors que les Bruins feront escale au Centre Bell?

Parce que le Canadien a perdu 16 de ses 20 derniers matchs (4-15-1) et qu’il a la pire fiche de la LNH depuis le début de sa dégringolade avec neuf points seulement sur une possibilité de 40, il est clair qu’une autre défaite rendrait plus précaire qu’elle ne l’est déjà la situation de l’entraîneur-chef du Tricolore. Ou de tout autre entraîneur-chef de la LNH qui serait dans la même situation.

Marc Bergevin est toutefois le seul ou l’une des rares personnes à pouvoir répondre à cette question. Qui sont les autres? Les conseillers de Bergevin bien sûr. Le propriétaire Geoff Molson. Ses plus proches associés également. Et peut-être même Michel Therrien lui-même si son patron lui a déjà indiqué qu’il devait remporter la prochaine partie pour éviter le couperet.

« Therrien sait qu'il est sur du temps emprunté »

Remarquez que Michel Therrien n’a certainement pas besoin d’un tel ultimatum pour savoir que son poste est en danger.

Je l’ai dit et écrit plusieurs fois depuis le début de la glissade qui s’est transformé en chute libre : Michel Therrien n’est pas le seul responsable des ennuis de son équipe. Les blessures qui l’ont privé de Brendan Gallagher et qui le privent toujours de Carey Price ont miné et minent encore les chances de victoire de son équipe.

Pas au point de perdre 16 fois lors des 20 derniers matchs, j’en conviens.

Mais ces blessures doivent être prises en considération. C’est clair. Ce qui pourrait aider Michel Therrien d’un côté, mais portera aussi un peu ombrage à sa saison exceptionnelle de l’an dernier alors que tous ceux et celles qui prétendaient que Carey Price avait fait d’une bonne petite équipe une des puissances de la LNH ont maintenant la preuve qu’ils avaient raison.

Deux gros joueurs

Bien qu’il lui serait très facile d’imputer un éventuel congédiement de Michel Therrien à la fiche de son équipe depuis 20 matchs – surtout si une ou des défaites s’ajoutent d’ici la pause du match des étoiles –, je trouverais quand même que ce renvoi serait injuste.

Injuste parce que Marc Bergevin, en plus de se mêler de la gestion de son équipe au quotidien – ce qui n’est pas toujours d’une aide précieuse pour un coach qui en vient à perdre son autorité dans le vestiaire quand les joueurs se demandent si ce n’est pas le DG qui est le vrai boss –, n’a rien fait pour vraiment aider son coach. Pour vraiment aider son équipe.

Oui Marc Bergevin a vidé la moitié de son club-école pour tenter une expérience ici, une autre là, une autre là-bas. Oui Marc Bergevin a finalement échangé Jarred Tinordi en gaspillant ce premier choix et les espoirs fondés dans le cadre d’une transaction très mineure.

Mais qu’a-t-il fait pour vraiment aider son coach? Pour vraiment renflouer une attaque qui en a grand besoin? Rien! Ou pas assez.

Le DG du Canadien a sans doute essayé. J’en suis même convaincu. Mais à moins qu’il soit convaincu que son équipe, avec Carey Price qui poursuit sa réadaptation et ses coéquipiers qui multiplient les erreurs et peinent à marquer, est en mesure de gagner plus souvent qu’elle ne perd, Marc Bergevin peut difficilement congédier son coach.

Ce serait la solution facile oui. Surtout que Michel Therrien a perdu depuis un bon moment la faveur populaire. Mais ce serait top facile. Du moins, il me semble.

C’est pour cette raison qu’avant de lui lancer le fameux « gagne ou meurt », le directeur général devrait lui aussi trouver une façon de marquer un gros but au lieu de se contenter de passer proche comme le font trop souvent ses joueurs.

Le Canadien n’a pas seulement besoin d’un bon, ou très bon attaquant – idéalement un centre – pour relancer son attaque, il en a besoin de deux. Plus facile donc à écrire qu’à faire. J’en conviens. Mais si David Poile (Nashville) et Jarmo Kekalainen (Columbus) ont pu améliorer leur club avec une transaction impliquant des vedettes ou vedettes en devenir au lieu de se contenter de joueurs de soutien, le DG du Canadien devrait bien pouvoir y arriver lui aussi. Non?

Et à tous ceux qui croient que Jonathan Drouin pourrait d’un coup de bâton transformer le Canadien en puissance à l’attaque, il faudrait être prudent. Le petit Québécois a un potentiel immense. Un grand talent. Mais s’il n’est pas en mesure de se tailler une place au sein des trois premiers trios du Lightning, c’est peut-être parce qu’il n’est pas encore prêt à assumer le rôle de leader offensif d’une équipe.

Un leader dont le Canadien a cruellement besoin pour épauler Max Pacioretty.

Calendrier favorable… à un congédiement

« Tu changes ton entraîneur avant des matchs faciles »

Malgré cet appui que j’accorde à Michel Therrien – un appui qui ne pourrait survivre à trois, quatre ou cinq autres défaites consécutives –, le calendrier est loin d’être favorable au coach du Canadien.

Rarement, très rarement, un DG place son équipe entre les mains d’un nouvel entraîneur lorsque le calendrier annonce des matchs monstrueusement difficiles. C’est normal. Si un DG tente de relancer son club avec un nouveau coach, il le fera dans des circonstances les plus favorables possible.

Après le duel de ce soir face aux Bruins, le Canadien traversera une séquence tranquille. À moins qu’il ne se retrouve simplement dans l’œil de la tempête.

Mais avec trois jours de repos – lire entraînement – avant le match de samedi, à Toronto, contre les Maple Leafs, des matchs aller-retour contre les Blue Jackets de Columbus lundi et mardi prochain, la pause du Match des étoiles ensuite et une séquence de quatre matchs à domicile contre Buffalo, Edmonton, Caroline, Tampa après une visite à Philadelphie dès la reprise des activités, sans oublier le retour éventuel de Carey Price, les circonstances seront nettement plus favorables pour le Canadien au cours des deux prochaines semaines.

Ce qui représente certainement une source supplémentaire d’inquiétude pour Michel Therrien. Au-delà des victoires et des défaites, de l’incapacité de son attaque massive de marquer des buts, des erreurs en séries dont trop de joueurs se rendent coupables et quoi encore…

Une perte vite épongée

Et l’argent? Un congédiement rapide de Michel Therrien coûterait très cher au Canadien puisqu’il écoule cette année la première année d’un contrat de quatre ans qui doit lui rapporter autour de 2 millions $ par saison.

Vrai que ce serait une perte sèche d’un peu plus de quatre millions puisque dans l’éventualité d’un renvoi, Michel Therrien toucherait son plein salaire d’ici la fin de l’année et lors des deux prochaines saisons. La quatrième année de son contrat (2018-2019) était à la discrétion de l’équipe, le Canadien n’aurait donc pas à la lui rembourser.

Cela dit, la perte sèche associée à un renvoi serait vite épongée par une présence en séries. Parce les joueurs ne sont pas payés en séries, parce que l’engouement des partisans est aussi multiplié par deux, par quatre, par dix, le Canadien empoche autour de 3 millions $ en revenus divers pour chaque partie disputée au Centre Bell en séries. Un revenu qui grimpe en deuxième ronde, et qui grimpe encore en troisième ronde, voire en grande finale alors que les prix des billets fluctuent à la hausse d’une ronde à l’autre.

D’où l’importance d’accéder aux séries.

Si Marc Bergevin n’a pas l’intention de congédier son coach et qu’il convainc ses propres patrons que son équipe accédera aux séries avec Michel Therrien à la barre, il pourra acheter du temps.

Mais si les patrons de Marc Bergevin craignent de rater les séries – ce qui est possible en dépit du début de saison historique du Canadien –, ils lui donneront illico le fer vert pour effectuer un congédiement dispendieux sur le coup. Mais un congédiement que deux matchs de séries épongeront rapidement.

Tout ça pour dire que s’il est difficile, non impossible, de savoir vraiment si Michel Therrien dirigera ce soir son dernier match derrière le banc du Canadien et qu’il serait sans doute injuste que ce le soit, l’entraîneur-chef du Canadien est bien mieux de gagner contre les Bruins. Et de coller quelques gains d’ici la pause du Match des étoiles. Mais ce n’est pas tout. Il est bien mieux aussi de ne pas rater les séries. Car cette exclusion, en dépit des blessures et de tous les maux qui minent son club, pourrait alors être son coup de grâce.

30 Minutes Chrono - Therrien doit gagner même sans Price.