MONTRÉAL - Quand Samson Mahbod est arrivé dans la Ligue élite finlandaise après deux années passées en Pologne et en Russie, on l’a averti qu’il risquait de tomber sur deux jeunes de 17 ans comme il n’en avait assurément jamais vu depuis le début de sa carrière.

Mahbod, qui a participé au tournoi de la Coupe Memorial avec les Voltigeurs de Drummondville en 2009, n’en a pas trop fait de cas. Il avait près de 300 matchs professionnels à son actif, il n’allait quand même pas commencer à se laisser impressionner par des joueurs dix ans plus jeunes que lui.

En tout début de saison, les Blues d’Espoo sont allés à Tampere pour y affronter l’une des équipes favorites du championnat. Ce soir-là, Mahbod a fait la connaissance de Patrik Laine.

« Je me souviens très bien qu’il avait marqué un but à partir de l’emplacement pour lequel tout le monde connaît sa préférence aujourd’hui, juste en haut du cercle des mises en jeu, raconte le Montréalais en entrevue avec RDS. D’un simple tir des poignets, il avait envoyé la rondelle sous la barre transversale et dans le filet. C’était vraiment quelque chose à voir. »

Quelques semaines plus tard, Mahbod est tombé sur Jesse Puljujarvi et a réalisé que toute résistance était futile. Oui, il allait se laisser impressionner par les petits jeunes. C’était impossible de ne pas l’être.

« Je me disais que c’était impossible que ces deux gars-là n’aient que 17 ans. D’abord parce qu’ils sont si gros. Ce sont des monstres sur la glace! »

Mahbod n’avait toutefois encore rien vu. Le gardien de but Frédéric Cloutier, un autre Québécois qui évoluait en Finlande l’année dernière, se souvient que Laine et Puljujarvi, parce qu’ils appartenaient à deux des meilleurs clubs de la Ligue, occupaient des rôles relativement modestes au sein de leur club respectif en début de saison.

« À 17 ans, normalement, tu n’es pas supposé jouer dans une équipe pro, fait remarquer Cloutier, qui compare le circuit finlandais à une Ligue américaine légèrement relevée. Pendant les deux premiers mois et demi, Laine jouait sur une troisième ou une quatrième ligne. Mais à son retour du Championnat mondial junior, Tappara l’a monté sur son top-6 et il n’est jamais redescendu. Personnellement, je trouvais Puljujarvi vraiment impressionnant en début de saison, mais Laine a énormément progressé après les Fêtes. »

L’évaluation de Cloutier concorde avec celle de la plupart des évaluateurs de la scène du hockey junior. Si Puljujarvi est arrivé au Mondial junior avec l’ascendant sur son compatriote, Laine a forcé tout le monde à changer leur fusil d’épaule à l’arrivée de la nouvelle année.

« Après les avoir vus jouer un peu plus souvent, je me disais que tous ces classements étaient dans le champ, se remémore Mahbod. À mes yeux, Laine a toujours été le meilleur des deux. »

« On a affronté Tappara deux fois après Noël. La première fois, ils nous ont battus en prolongation et la deuxième fois, on a perdu 1-0. C’est Laine qui a marqué les deux buts gagnants. À la fin de la saison, il avait un impact incroyable dans une équipe qui comptait notamment sur deux ou trois joueurs qui avaient des contrats en poche pour la KHL l’an prochain », raconte Cloutier, qui défendait le filet du KooKoo Kouvola.

Mi-Jagr, mi-Ovechkin

Destinés à être comparés pour le reste de leur vie, les deux ailiers de six pieds 4 pouces devraient simplement être vus pour ce qu’ils sont : deux espoirs de qualité supérieure qui proposent chacun un ensemble d’attributs distinct.

Puljujarvi semble unanimement considéré comme le joueur le plus complet. Son coup de patin est clairement supérieur à celui de Laine et certains dépisteurs croient qu’il possède les outils pour éventuellement pouvoir remplir le rôle de joueur de centre dans la Ligue nationale.

Laine est le marqueur naturel, celui dont l’élan arrière promet de terroriser les gardiens de la LNH pendant les quinze prochaines années. Il a marqué dix buts en quinze matchs lors des séries éliminatoires du championnat finlandais et sept en dix matchs au Championnat du monde. Il a été nommé le joueur par excellence des deux compétitions.

« Je ne dirais pas qu’il est le plus vite, mais à sa grosseur, Laine me fait un peu penser à Jaromir Jagr au niveau de la protection de rondelle, estime Cloutier. Et en avantage numérique, un peu comme Alexander Ovechkin, il a un lancer sur réception puissant, mais aussi très précis. Il ne se contente pas de mettre la rondelle dans le milieu du filet, il la place dans les coins. Sa détente est rapide et ça rentre pas à peu près. »

« Pour un gars de sa taille, Laine patine assez bien, ajoute Mahbod. Dès qu’il atteint sa vitesse de croisière, il est rapide et possède de très bonnes mains. On ne devinerait jamais qu’il a 17 ans. Ses passes sont plus raides que mes tirs ne l’étaient à son âge. »

« Laine dégaine comme je n’ai vu personne le faire au cours des dix dernières années, s’émerveille Dennis MacInnis, qui dirige la firme d’évaluation ISS Hockey. Il est un marqueur de buts fantastique. Je crois qu’il pourrait enfiler 25 buts dès l’an prochain dans la Ligue nationale. »

Mais les louanges de MacInnis ne sont pas prononcées sans réserve. L’homme de hockey se demande notamment si Laine sera en mesure de faire briller tous ses atouts sur les plus petites surfaces nord-américaines. Alors que ses confrères de partout à travers le monde modifiaient leur classement pour faire bondir Laine devant Puljujarvi, ISS Hockey résistait à la tentation de sauter dans la parade. Ce n’est que le 1er juin, lors de la publication de sa toute dernière liste mensuelle, que la compagnie a suivi le mouvement.

« Il demeure l’espoir avec la plus grande marge de manœuvre avant d’atteindre son plein potentiel », concède MacInnis.

Frédéric Cloutier a peut-être vu moins de matchs que ceux qui sont payés pour évaluer ces jeunes hockeyeurs. Il n’est peut-être pas aussi objectif non plus. Il admet même qu’il n’a pas vu jouer Auston Matthews. Mais il rend son verdict sans hésitation.

« Comme Laine et Puljujarvi ont joué dans un style qui ressemble plus à celui que la LNH, je pense qu’ils seraient plus prêts que Matthews présentement. Et Laine, je ne serais même pas surpris s’il était le premier à sortir. »