Imaginez la situation. Sidney Crosby annonce à la fin de la saison qu'il prend sa retraite. Quel choc ce serait! Le 15 mai 2003, c'est ce genre de réaction qui est survenue dans le monde du patinage de vitesse quand Marie-Ève Drolet a annoncé sa retraite… à 21 ans. Cinq ans plus tard, ce talent brut revient à la compétition.

Petit retour en arrière. En 2000, à 18 ans, Marie-Ève devient championne du monde junior en terminant première au classement cumulé des trois distances. L'année suivante, elle répète l'exploit tout en remportant le 500 mètres et le 1500 mètres. Du coup, Marie-Ève est vue comme la nouvelle Nathalie Lambert et la future grande vedette du patinage de vitesse courte piste au Canada.

Elle participe aux Jeux olympiques de 2002 à Salt Lake City où elle termine 4e au 1000 mètres et remporte le bronze au relais. J'étais d'ailleurs sur place pour assister aux premiers coups de patins olympiques de Marie-Ève.

Jeune fille équilibrée, elle décide de remiser sa carrière d'athlète pour se concentrer sur ses études universitaires en psychologie. Elle ne veut pas se retrouver les mains vides après sa carrière comme la plupart des autres athlètes amateurs qui mettent tous leurs œufs dans le même panier.

Le déclic

Cinq ans plus tard, Marie-Ève revient à la compétition avec un bac en psychologie en poche et deux ans d'études en acupuncture. Son après-carrière est maintenant assuré. Les 29 et 30 novembre dernier, elle participait à des essais nationaux…. elle a remporté toutes les distances. Comme on dit, elle a « planté » tout le monde!

« Ça fait seulement trois mois que j'ai recommencé à patiner. Pendant les cinq dernières années, je ne me suis pas du tout entraînée et présentement, je fais des temps similaires à ceux de 2001. », avoue-t-elle au bout du fil. Faut dire qu'elle a travaillé à planter des arbres l'année dernière en Alberta, ce qui ne nuit pas à conserver une certaine forme.

« J'ai recommencé à patiner avec mon copain en septembre dernier et j'ai vraiment eu la piqûre. Je me suis installée à Calgary et je m'entraîne là-bas avec d'autres filles de l'équipe nationale. J'ai toujours le même équipement qu'en 2001 et je dois même cacher les inscriptions sur ma combinaison de 2001 que j'utilise encore.»

Un retour controversé?

Marie-Ève sait fort bien que son retour suscitera des réactions au sein même de l'équipe nationale. Sa présence signifie qu'il y aura une place de moins disponible sur l'équipe olympique en vue des Jeux de Vancouver. Sans trop se tromper, la qualification de Marie-Ève est presque assurée compte tenu de son talent et du peu de profondeur dans l'équipe féminine.

Pas plus tard qu'en janvier prochain, elle prendra part aux essais canadiens à Montréal. Si elle performe bien, elle pourrait participer aux prochaines Coupes du monde ainsi qu'au championnat du monde.

« Je m'attends à ce que les filles soient un peu nerveuses », lance-t-elle. « Je vais aller me présenter à Kalyna Roberge qui est présentement la meilleure patineuse au pays. J'espère que les filles seront contentes de mon retour. J'ai hâte de revoir Tania Vicent, Amanda Overland et Anne Maltais; des filles avec qui j'ai patiné à l'époque »

Pense-t-elle que les filles de l'équipe nationale seront portées à se montrer agressives dans les virages lors d'une course. « Je ne crois pas. De toutes façons, je vais m'organiser pour être bien en avant d'elles! Écoutes, elles n'auront pas le choix de composer avec moi! », souligne-t-elle dans un grand éclat de rire.

Aller jusqu'au bout!

Marie-Ève a eu beaucoup de difficultés à regarder les Jeux olympiques de Turin en 2006. « C'était difficile de regarder les courses à la télé. Je tournais la tête à chaque fois en me disant que je serais là si je n'avais pas choisi la retraite. Sauf que je n'ai aucun regret. »

Les Jeux de Vancouver en 2010 ont fait pencher la balance dans son retour. Elle sait que malgré une absence de cinq ans, les attentes seront là. « Il y aura encore beaucoup de pression mais ça ne m'effraie pas. Maintenant, toute ma tête est au patin ce qui n'était pas le cas à l'époque où j'étais également aux études. »

Contrairement à beaucoup d'athlètes qui seront à Vancouver, elle ne se cache pas pour parler de ses objectifs. « C'est certain que je veux avoir une médaille. J'en ai une de bronze en équipe mais en décrocher une dans une distance individuelle, c'est mon objectif et je sais que je serai capable de le faire. »

Et après Vancouver?

Voilà maintenant 25 minutes, de pur bonheur, que je discute avec Marie-Ève, lorsque je lui lance cette question. « Après Vancouver, voudrais-tu aller jusqu'aux Jeux de 2014 à Sochi, en Russie? »

« Si tout va bien, bien sûr! J'aimerais prendre une pause après 2010 pour avoir un enfant et reprendre la compétition par la suite. Est-ce que ça se fait? », me demande-t-elle…

Bien sûr Marie que ça se fait. Avec ton gabarit (114 livres mouillée), tu pourrais avoir des triplés et revenir sur la glace un mois après!

Bref, pour cette future acupunctrice, on ne se trompe pas en affirmant que son retour va certainement « piquer » la curiosité chez ceux qui suivent de près ou de loin, nos athlètes en route vers Vancouver.