QUÉBEC - Lorsque Jo Jo Dan et Kevin Bizier se sont affrontés pour la position de deuxième aspirant au titre des poids mi-moyens de la IBF en novembre 2013 au Colisée Pepsi, les deux boxeurs s’étaient livré une lutte - au sens propre comme figuré - de tous les instants.

La première moitié du combat avait été particulièrement excitante, mais la seconde avait laissé place à plusieurs projections au sol et à de l’accrochage, le Montréalais d’origine roumaine perdant même un point au dixième round. Il l’avait éventuellement emporté par décision partagée des juges, infligeant ainsi au pugiliste de Saint-Émile une première défaite en carrière.

Un peu plus d’un an plus tard, Dan (32-2, 18 K.-O.) et Bizier (23-1, 16 K.-O.) se retrouveront à nouveau vendredi soir à Québec en demi-finale de Stevenson-Sukhotsky, mais cette fois, pour la position d’aspirant obligatoire à la ceinture présentement détenue par l’Anglais Kell Brook.

« Ce combat-là, ce n’est pas un combat revanche à nos yeux, avoue l’entraîneur de Dan, Pierre Bouchard. C’est un combat qui nous donnera la chance d’aller nous battre pour un titre mondial. C’est un très beau scénario et nous espérons que le combat sera moins serré. »

« Nous pensions que Kevin avait remporté le premier combat, d’autant plus que Dan avait perdu un point pour accrochage. Nous pensions que ça jouerait en notre faveur, répond l’entraîneur de Bizier, Samuel Décarie-Drolet. Si Dan essaie encore d’accrocher ou de retenir, nous lui avons réservé quelques petites surprises. Il ne risque pas de vouloir accrocher encore longtemps! »

Le travail de l’arbitre Jean-Guy Brousseau avait d’ailleurs été vertement critiqué, plusieurs jugeant qu’il avait été trop permissif. La Régie des alcools, des courses et des jeux a réagi en désignant le vétéran Marlon B. Wright pour être le troisième homme dans le ring vendredi soir.

Mais le clan Bizier ne joue pas à l’autruche non plus. Le travail de l’arbitre Brousseau n’explique pas à lui seul la raison pour laquelle le sympathique droitier s’est incliné devant Dan. Énormément de travail en gymnase a été effectué au cours de la dernière année.

« Kevin était déjà très fort physiquement, mais nous avons beaucoup travaillé sur sa force et son endurance, explique Décarie-Drolet. Du premier au dernier round, il sera capable de rester au même niveau sans jamais descendre. Dan est reconnu pour lancer énormément de coups, mais Kevin sera en mesure de rivaliser avec lui. Il y a eu une progression en flèche pendant le camp.

« Dan reste un adversaire hargneux qui se déplace et qui est difficile à toucher. Quand tu additionnes tout cela ensemble, il devient un client qui n’est pas commode pour n’importe qui. De plus, il possède une solide équipe autour de lui. Malgré tout, nous pensons que Kevin a le bagage nécessaire autant au chapitre de la boxe que du mental pour aller chercher la victoire. »

« Quand tu perds, il faut que tu trouves d’autres façons de gagner, concède Bouchard. Jo Jo a battu Kevin à son propre jeu en restant au centre du ring avec lui et en se battant coup pour coup. C’est certain qu’il va chercher d’autres solutions, mais Jo Jo est très bien préparé. »

C’est probablement pour cette raison que Dan et son équipe ont refusé de voir le combat de vendredi comme la deuxième bataille d’une guerre sans merci. Ils partent assurément avec une très légère longueur d’avance, mais à quoi bon partir premier si c’est pour terminer dernier?

« Ça donne un petit avantage mental, car lorsque tu sais que tu as fait le travail une fois, tu sais que tu peux le refaire, précise Bouchard. En même temps, nous nous sommes déjà retrouvés dans la situation inverse, alors que nous avions perdu un combat serré contre Selçuk Aydin.

« C’est évidemment beaucoup plus plaisant lorsque tu as gagné le premier combat, mais le passé est le passé. Jo Jo sait qu’il peut battre Kevin parce qu’il l’a fait une fois, mais ça ne voudra absolument plus rien dire s’il perd vendredi. C’est pourquoi nous voulons être encore plus dominants que la première fois afin de ne laisser aucun doute dans la tête de personne. »

Et même si Dan possède nettement plus d’expérience quant au nombre de rounds disputés dans les rangs professionnels - 215 contre 101 - et dans les duels d’envergure internationale, Bouchard pense qu’il ne faut pas sous-estimer ce que Bizier a appris en novembre dernier. Qui plus est, le boxeur de Saint-Émile est le favori des preneurs aux livres pour la revanche.

« Jo Jo a boxé partout dans le monde dans des conditions pas toujours faciles, mais Kevin a acquis beaucoup d’expérience dans le premier combat, note-t-il. Kevin n’avait jamais perdu et eu à puiser autant dans ses énergies pour se rendre jusqu’au bout des 12 rounds. Nous lui avons permis d’aller chercher cette expérience et c’est exactement pourquoi nous savons que le combat de vendredi sera difficile. Nous allons tous devoir lever notre jeu d’un cran. »

Des attentes élevées

Les amateurs qui suivent la carrière de Bizier de près ont parfois eu l’impression que la carrière de ce dernier a fait du surplace au cours des dernières années.

Dans la foulée de victoires significatives - contre Lanardo Tyner en décembre 2011 ou Nate Campbell en février 2013 -, il a ensuite souvent eu à affronter des adversaires qui n’étaient pas de son niveau faute de mieux.

Malgré tout, les attentes demeurent élevées envers le porte-étendard du sport dans la région de la Capitale-Nationale. Cela dit, il a appris à bien gérer la situation au fil du temps.

« Au cours des dernières années, il y a eu Adonis Stevenson, Jean Pascal et Lucian Bute, si bien que Kevin n’a jamais eu à faire de finale, mentionne Décarie-Drolet. Il y a des gens qui parlent beaucoup de Kevin, mais jamais autant que des autres, si bien qu’il est un peu dans l’ombre.

« À la base, Kevin est quelqu’un de très terre à terre qui sait qu’il doit travailler fort pour obtenir des résultats. Kevin a travaillé avec certains des meilleurs boxeurs et entraîneurs au monde et sait ce que ça prend pour atteindre les plus hauts sommets. Il a donné son 100 pour cent. »

Lui-même homme de l’ombre, Décarie-Drolet a récemment pris la relève de Marc Ramsay comme entraîneur principal de Bizier. Père de deux jeunes enfants en bas âge, il était devenu de plus en plus difficile pour Bizier de faire les aller-retour vers le gymnase de Ramsay à Montréal.

Fort d’une expérience de près d’une quinzaine d’années dans le monde de la boxe, Décarie-Drolet - un élève de Ramsay - assure que son protégé n’aurait pas pu être mieux préparé.