Si je vous demande quel fut le meilleur boxeur argentin de tous les temps, je suppose que vous allez répondre : Sergio Martinez, l’ex-champion WBC des super-mi-moyens et monarque des poids moyens WBO et WBC. Vous n’êtes pas loin de la vérité, mais il y a un autre pugiliste qui aurait pu vaincre Martinez en quelques minutes seulement.

Notre homme, c’est Carlos Monzon. Il a été champion WBA et WBC des poids moyens et après avoir été dépouillé de son titre, il est revenu à la charge en 1976 pour remporter à nouveau la couronne WBC .

C’est un pugiliste qui a livré 99 combats au cours de son illustre carrière tout en ne subissant que 3 défaites.

Pourquoi je vous parle de lui aujourd’hui? Parce que, le 8 janvier 1995, soit dimanche dernier, « Escopeta » comme l’appelaient ses admirateurs, perdait la vie dans un accident d’auto à Los Flores, en Argentine.

Série de 79 victoires

Croyez-le ou non, mais Monzon a livré 79 combats sans défaite entre 1964 jusqu’au moment de sa retraite en 1977. Durant cette série de succès, il a connu 70 victoires et 9 verdicts nuls.

Sur le ring, Monzon était un champion, un monstre déchaîné, mais à l’extérieur des câbles, il devenait un vulgaire délinquant, un vrai cauchemar pour les policiers de son entourage. Maintes et maintes fois, il a été impliqué dans des délits, notamment des bagarres.

Né à San Javier, en Argentine en 1942, ses parents et les 12 enfants ont déménagé à Santa Fe dans un taudis faute d’argent. Monzon n’avait même pas un an lors du déménagement.

Tout jeune, il a survécu en vivant dans la rue et en faisant mauvais coup sur mauvais coup. Il était devenu un vrai mal de tête pour les policiers qui devaient le ramener dans le droit chemin, mais sans trop de succès.

À l’âge de six ans, pour survivre, il a vendu des journaux, ciré des souliers, livré du lait et commis quelques délits. Disons qu’il savait comment s’y prendre pour se dépanner.

Ses frasques valent la peine d’être racontées. Il a été mis aux arrêts pour s’être battu à bord d’un autobus. Il a été l’instigateur d’une émeute lors d’un match de football. Il a rudoyé plusieurs femmes. Chaque fois, il a été arrêté par la police.

En somme c’est la boxe qui lui a permis de survivre convenablement sans avoir trop de problèmes avec la justice. Mais son comportement à l’extérieur du ring restait douteux et délinquant.

Au gymnase

Un jour, il s’est présenté dans un gymnase de boxe avec des amis pour montrer qu’il n’avait peur de personne. Il fit si bien qu’il fut invité à boxer chez les amateurs ou il a compilé une fiche de 73 victoires en 87 combats.

À 20 ans, il passait chez les pros et c’est là qu’il se mit tellement en évidence tout en ne sortant pratiquement jamais de l’Argentine. Parmi ses victimes, on compte Jorge Fernandez, un boxeur qui avait fait carrière aux États-Unis et qui s’était attiré une très bonne réputation.

Qui aurait cru que Monzon serait reconnu comme le boxeur par excellence de son pays? Meilleur que Sergio Martinez, Nicolino Locche, Luis Angel Firpo et Santos Laciar et qui encore?

Après ses huit premières victoires, il a connu sa première défaite. C’était en 1963. Deux autres revers en 1964 ne présageaient pas qu’il deviendrait le plus grand des grands de l’Argentine.

À noter qu’il a vengé ses trois défaites.

C’est en octobre 1964 qu’il commença sa série de 79 matchs sans défaite. Outre Jorge Fernandez, on compte Rodrigo Valdez, Tony Licote, Tony Mundine, Emile Griffith, le Français Jean-Claude Bouttier et Bennie Brisco .

En Italie

Le 7 novembre 1970, Monzon s’est rendu en Italie pour y disputer le championnat mondial des poids moyens au monarque Nino Benvenuti. C’était la première fois que Monzon se battait à l’extérieur de l’Amérique du Sud.

Négligé des parieurs à 3-contre-1, l’Argentin coiffa la couronne mondiale en battant Benvenuti par arrêt de l’arbitre au 12e round.

L’affrontement fut tellement spectaculaire que la revue Ring Magazine lui décerna le titre du combat de l’année.

En 1973, dans son deuxième combat contre le français Jean-Claude Bouttier, Monzon quitta la ville de Paris sans se soumettre à un test d’urine après sa victoire par décision en 15 rounds. Il refusa aussi de payer la somme de 5000 $ d’amende que lui imposait l’Union européenne de boxe.

En 1974, le WBC décida de lui ravir son titre de champion prétextant qu’il refusait d’affronter l’aspirant logique Rodrigo Valdez.

Monzon n’a jamais perdu par K.-O. dans sa carrière. Il n’a même pas visité le tapis en 99 combats. Faut le faire! Beau jeune homme, il avait le corps d’Apollon. Il ressemblait à un acteur d’Hollywood. Il était rapide, il avait un crochet formidable des deux mains et un jeu de pied à la Fred Astair. D’ailleurs, il a passé le K.-O. à 59 de ses victimes.

C’est en août 1977 que Monzon a décidé de mettre un terme à sa brillante carrière. Mais durant cette carrière, il a souvent eu maille avec la justice. Maintes fois, il a été arrêté pour assaut. Sa première conjointe l’a blessé en lui tirant une balle de revolver dans le dos. Un projectile que les médecins n’ont jamais été en mesure de lui enlever et qu’il a dû conserver jusqu’à sa mort. Plusieurs de ses entreprises ont fait faillite. Il était un très mauvais homme d’affaires.

La justice

Il a tenté de devenir entraîneur de boxe. Ça n’a pas fonctionné. Or, il a commencé à boire à l’excès. Il fut emprisonné pour un mois en 1981 pour port d’arme illégal.

Le jour de la Saint-Valentin, en 1988, son monde a basculé. Cette fois c’est une altercation avec sa conjointe Alicia Munoz qui eut des conséquences très graves. Alors que les deux se disputaient sur un balcon, la structure a cédé projetant Alicia Munoz dangereusement dans le vide. Elle fut transportée à l’hôpital ou elle rendit l’âme.

La police ouvrit une enquête et Monzon fut accusé de meurtre et condamné à 11 années de prison. Après 5 ans d’incarcération, le champion fut libéré sur parole.

Deux ans plus tard, lui et un ami étaient sur le chemin de Las Flores, tout près de la prison, lorsque Monzon perdit le contrôle de sa voiture. L’automobile a fait plusieurs tonneaux et c’est ainsi que l’ex-champion et son compagnon ont perdu la vie.

À l’intérieur du ring, il n’avait pas son pareil, mais à l’extérieur, il était le méchant garnement, l’enragé, qui cherchait noise à tous et chacun. Dommage...

Bonne boxe!