La participation de Marc Bergevin à Tout le monde en parle n’a pas contribué à calmer les inquiétudes au sujet de l’avenir immédiat du Canadien. Dans le récent bilan tracé par le propriétaire Geoff Molson et son directeur général, les amateurs avaient mal accepté les explications qu’on leur avait fournies sur cette saison de misère et encore moins les promesses de changements qu’on leur avait faites.

On en a pris et on en a laissé sur ce qu’on nous a raconté ce jour-là, notamment au sujet de la transparence qu’ils se sont aventurés à nous promettre. Dorénavant, nous a-t-on dit, on va consentir plus d’éclaircissements sur les décisions de l’équipe, ce qui permettra à la clientèle du Canadien d’être mieux renseignée et de porter ainsi un jugement plus éclairé dans certaines situations.

C’est plutôt mal parti quand le propriétaire affirme que l’échange de P.K. Subban a été planifié durant plusieurs mois alors que son directeur général le contredit en jurant dur comme fer que la négociation fut l’affaire de quatre ou cinq jours. Avant de se montrer transparents, ne pourraient-ils pas commencer par accorder leurs violons?

Dimanche soir, la transparence a affiché sa première faiblesse quand Bergevin a offert une réponse cousue de fil blanc concernant l’attitude de son gardien de but qui a parfois quitté la patinoire sans saluer les spectateurs. Il a expliqué que Carey Price, après avoir reçu l’accolade de ses coéquipiers près de son filet, est généralement le dernier à joindre le groupe au centre de la glace. Il y arrive, selon lui, quand des joueurs ont déjà commencé à quitter la patinoire. Il en a rajouté quand Price lui a avoué qu’il lui est arrivé d’oublier de soulever son bâton dans le geste de reconnaissance habituel. Je veux bien accepter qu’on trouve des excuses à ce joueur de concession qu’on enveloppe dans la ouate, mais tout le monde, y compris Bergevin, sait que tout ça est complètement faux. Chaque fois que Price est parti sans saluer la foule, il a battu tous les autres de vitesse en retraitant au vestiaire. À quoi bon préconiser la transparence si on nous envoie dans le champ gauche avec une telle désinvolture?

Je déteste qu’on nous prenne pour des valises. Cette histoire n’a ni queue ni tête. Si vraiment Price lui a expliqué les choses de cette façon, pourquoi Bergevin, un homme intelligent, s’est-il exposé au ridicule en la répétant par un soir de grande écoute télévisée?

La période des changements qu’on souhaite majeurs n’est pas encore amorcée qu’on nous ment sans la moindre gêne. Bravo pour la transparence.

Est-ce un avant-goût de ce qui va se passer quand Bergevin se mettra au travail pour réparer ce qu’il a lui-même brisé en négligeant d’apporter toute l’aide nécessaire à une équipe en chute libre et en n’exigeant pas de son entraîneur qu’il exerce un contrôle plus serré au niveau de son vestiaire.

Dans son post mortem, Bergevin a été très clair. « Je ne peux pas continuer d’utiliser la même recette tout en espérant de meilleurs résultats. Il faudra donc apporter des changements », a-t-il souligné.

On n’en attendait pas moins de sa part. Jouer pendant un quart de siècle sans gagner la coupe est une situation déjà difficile à comprendre et à accepter dans une ville comme Montréal, mais patienter 25 ans pour voir l’équipe régresser d’une façon aussi lamentable, c’est carrément inacceptable.

Ça devra passer par une ou deux transactions

Le renouveau annoncé semble plutôt mal enclenché. Il aurait dû prendre forme dès la minute où le duo Molson-Bergevin a quitté le podium après le très long point de presse qui a suivi l’élimination de l’équipe.

Quand Bergevin contredit énergiquement son président au sujet de la façon dont les choses se sont passées dans le cas de la transaction de Subban, c’est une autre indication de la confusion qui existe au septième étage du Centre Bell. Pourquoi faut-il que le Canadien affiche aussi ouvertement sa désorganisation? Comment diable en sont-ils venus là? Ces gens sont intelligents et reconnus pour leur compétence dans leur champ d’expertise respectif. Pourtant, cela n’a pas empêché Bergevin de paraître à court de solutions cette saison. Molson, de son côté, a beaucoup trop attendu pour réagir quand le public a manifesté haut et fort son mécontentement. Les cotes d’écoute des matchs télévisés ont chuté d’une façon inquiétante et des amateurs ont préféré rester à la maison plutôt que d’utiliser des billets achetés depuis longtemps.

C’est la crainte de voir la situation se détériorer davantage qui l’a forcé à promettre plus de transparence et une expérience client améliorée les soirs de matchs. Avec son flair d’homme d’affaires, Molson a senti que les amateurs n’achèteraient plus les yeux fermés tout ce qu’on avait l’habitude de leur vendre avec énormément de facilité.

Quand Bergevin parle de modifier sa recette, il faut souhaiter que ce processus s’amorce par une attitude plus agressive de sa part sur le marché des transactions. Oubliez l’arrivée des jeunes pour l’instant. Sans une ou deux transactions importantes, le Canadien continuera de faire du sur place.

Dans son analyse de la saison, il a une nouvelle fois répété à quel point il est ardu de transiger à l’ère du plafond salarial. Si c’est si difficile d’effectuer des transactions significatives, comment expliquer qu’entre le premier match de la saison et la fin de la période des échanges, Rick Nash soit passé à Boston, Matt Duchene et Marian Gaborik, à Ottawa, Kyle Turis à Nashville, Paul Stastny à Winnipeg, Evander Kane à San Jose, Ryan McDonagh et J.T. Miller à Tampa, Derick Brassard à Pittsburgh et Dion Phaneuf à Los Angeles? Tous ces trocs de joueurs importants sont survenus en l’espace de cinq mois, faut-il le préciser.

Je ne prétends pas que Bergevin aurait dû s’intéresser à ces joueurs-là, dont la plupart, pour diverses raisons, n'auraient pas été une solution à Montréal. Je dis simplement qu’il est possible de conclure des transactions quand on se retrousse les manches et qu’on démontre suffisamment de cran pour porter de grands coups. On peut comprendre Bergevin d’être hésitant quand on analyse la tournure que prend la transaction Subban-Weber.

Il y a tant à faire avant que le Canadien retrouve le seuil de la respectabilité. Il suffit de regarder les matchs éliminatoires en cours pour constater à quel point l’équipe est loin de pouvoir offrir le niveau d’intensité et de spectacle dont nous sommes témoins.

Durant les dernières semaines du calendrier, on a accordé plus de place aux jeunes dans le but de mieux les évaluer en fonction d’un proche avenir. Les résultats n’ont pas été très concluants. Les réserves sont minces à Laval et les joueurs qui ont quitté le Rocket pour venir au secours d’une formation en déroute à Montréal ne sont pas ceux qui vont sortir l’organisation de la dèche.

On n’aurait pu choisir une plus mauvaise année pour suggérer aux partisans de créer l’étincelle. Ce slogan est devenu le plus gros pétard mouillé jamais imaginé par le département de marketing de l’organisation. D’ailleurs, l’étincelle s’est éteinte dès le match inaugural quand des cérémonies habituellement spectaculaires ont fait place à des présentations si ternes que personne ne s’est enflammé.

C’était plate et ça l’est resté.