MONTRÉAL – Gabriel Gagné avait 18 ans quand il s’est fait tatouer pour la première fois. Sur la cage thoracique, sous le grand pectoral gauche, on lui a inscrit les mots qui étaient déjà gravés depuis un petit moment dans sa tête.

 

My greatest motivation is people who never believed in me. Traduction : Ma plus grande motivation sont les gens qui n’ont jamais cru en moi.

 

« Ça a tout le temps été ça. Peu importe par où tu passes, peu importe ce que tu fais dans la vie, il y a toujours du monde qui doute de toi », constate avec sagesse le jeune homme de 21 ans.

 

Quand les Sénateurs ont repêché Gagné au début de la deuxième ronde, certains ont jugé que sa sélection était prématurée. Quand il a mis du temps à se mettre en marche après la transaction qui l’a envoyé des Tigres de Victoriaville aux Cataractes de Shawinigan, on a cru qu’il s’assoyait sur ses lauriers. Puis après sa première saison chez les professionnels, son séjour dans la ECHL et ses deux buts en 41 parties dans la Ligue américaine ont exacerbé les critiques envers l’organisation des Sens.

 

« Avec l’année que j’ai connue, je ne pourrais pas dire qu’ils avaient tort, dit-il aujourd’hui avec le recul. Mais en même temps, les gens savent-ils que je jouais quatre ou cinq présences par match? C’est sûr que c’est une adaptation. Je suis un gros bonhomme, donc je patinais, je frappais, j’essayais d’amener la rondelle au filet, mais je n’ai jamais été habitué de jouer sur un quatrième trio. [...] Je ne sais pas... mais c’est sûr que ce n’était pas une bonne année. »

 

Au milieu de l’été dernier, comme pour renouveler l'engagement qu’il avait conclu avec lui-même, Gagné a publié sa phrase fétiche sur son compte Twitter. La promesse qu’il se faisait, c’est qu’il ne laisserait pas les obstacles l’abattre.

 

« Le hockey, c’est beaucoup dans la tête. Et cette année, dans ma tête, c’était clair que je n’allais pas passer un match sur deux dans les gradins. Je voulais prendre ma place et prouver que je suis un choix de deuxième ronde dans la LNH », affirme le natif de Sainte-Adèle.

 

« Ça ne veut pas dire que je suis proche, mais... »

 

Sebastian Aho et Brandon Carlo, les deux joueurs entre lesquels il a été pris en sandwich lors du repêchage de 2015, ont déjà disputé plus de 100 matchs dans la Ligue nationale. Gagné n’ose pas dire qu’il est près de les rejoindre, mais ses chances d’y arriver un jour semblent certainement meilleures aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a un an.

 

Après 21 matchs avec les Senators de Belleville, Gagné occupe le sommet du classement des francs-tireurs de l’équipe avec neuf buts. À l’échelle de la Ligue américaine, seulement sept joueurs avaient trouvé le fond du filet plus souvent à la veille de l’affrontement de ce soir entre les B-Sens et le Rocket de Laval.

 

Le gros ailier de 6 pieds 5 pouces revendique trois buts vainqueurs – les Sens ont neuf victoires – et deux réussites en trois tentatives en fusillade. Il avait été crédité de 53 tirs au but après 20 matchs, triplant le rythme auquel il menaçait les gardiens adverses il y a un an. Voilà des chiffres s’apparentent avec ceux qu’il avait affichés à sa meilleure saison dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

 

« C’est sûr que c’est plus positif qu’il y a un an. La saison dernière, c’était plus une année d’adaptation. Cette année j’ai un plus grand rôle et je suis productif. Ça ne veut pas dire que je suis proche de la Ligue nationale, mais il faut que je continue comme ça et un jour, je vais avoir ma chance. »

 

Le contraste avec son année recrue chez les pros est tel que l’entraîneur des Senators, Kurt Kleinendorst, a dit de son jeune colosse qu’il était le joueur le plus amélioré de son équipe depuis le début de la saison.    

 

« Dès le début de l’année, le coach m’a donné sa confiance et j’ai travaillé davantage avec lui pour améliorer mon jeu sans la rondelle, répond Gagné, pressé de retourner l’ascenseur à Kleinendorst. Il faut que tu aies la confiance de l’entraîneur, sinon il ne te fera pas jouer. Moi, ça m’a beaucoup aidé. J’ai compté mon premier but à Hershey, je crois que c’était mon troisième match (NDLR : le quatrième). L’an passé, je pense que ça m’en avait pris 25... »

 

Un vieux complice à ses côtés

 

À Belleville, Gagné se retrouve dans le même bateau qu’un bon ami. Francis Perron, un choix de septième ronde des Sénateurs en 2014, tente lui aussi de retrouver la touche offensive qui a fait sa renommée pendant son séjour de quatre saisons avec les Huskies de Rouyn-Noranda.

 

« Je le connais depuis qu’on a 4 ans. On était des adversaires quand on était jeune et aux alentours de 7-8 ans, le AAA d’été a commencé. On jouait pour le Wild. Notre entraîneur était Donald Audette et parmi nos coéquipiers, il y avait des gars comme Daniel Audette et Daniel Sprong. Donc Francis, ça fait longtemps que je le connais. C’est comme mon frère dans le fond. »  

 

Les complices ont à l’occasion goûté au hockey pro sur le même trio lors de leur saison recrue. « Mais sur la quatrième ligne, sans opportunité en avantage numérique, c’est dur », admet Gagné. Cette année, Kleinendorst n’a pas cimenté les deux Québécois sur une même unité, mais lorsqu’il les a rassemblés, les résultats ont été probants.

 

« Sur mes neuf buts, je pense que j’en ai compté six sur une passe de Frank, calcule Gagné. C’est peut-être parce qu’on est francophones et qu’on se connaît extrêmement bien, mais Frank est un bon passeur qui voit extrêmement bien le jeu et moi, je la mets dedans depuis que je suis jeune. On se complète bien, disons. »