Au fil des ans, il faut reconnaître que les défenseurs québécois n’ont jamais véritablement eu la cote lorsque vient le temps des séances de sélections de la LNH. Légende urbaine ou pas, mes années passées dans les arénas m’ont permis d’entendre de la bouche des recruteurs à multiples reprises que le Québec « était une terre pour les bons attaquants et jadis les gardiens de but, mais pour les arrières il valait mieux regarder ailleurs... »

Il faut reconnaître que les chiffres ont tendance à donner raison à cette théorie. Est-ce que vous vous êtes déjà posé la question suivante : « Combien de défenseurs québécois ont été réclamés dans le top-10 dans l’histoire des séances de repêchage de la LNH? »  Pensez-y – Depuis 1970 – En 50 ans – Combien?  (La réponse est spectaculaire et elle sera à lire au bas de cette chronique).

Certes, au fil des années, de grands défenseurs québécois ont évolué dans la LNH. Le meilleur de tous est fort probablement Raymond Bourque (il fait partie de la réponse à la question mentionnée plus haut), qui a disputé plus de 1600 matchs en carrière remportant cinq fois le Trophée Norris.

D’autres ont connu de brillantes carrières. On pense à Kevin Lowe, Éric Desjardins, Patrice Brisebois, François Beauchemin ou encore Stéphane Robidas pour n’en nommer que quelques-uns. Il y en a aussi de très bons encore actifs dans le circuit : Kristopher Letang, Marc-Édouard Vlasic, David Savard ou chez les plus jeunes Thomas Chabot et Samuel Girard, mais il n’en demeure pas moins que la position de défenseur semble moins attirante pour les jeunes de chez nous.

Dans l’histoire de la LHJMQ, seulement 22 défenseurs québécois ont été sélectionnés en première ronde – 22 en 50 ans, ce n’est pas beaucoup. Un de ceux-là, mon collègue Denis Gauthier à RDS, choix de 1re ronde des Flames de Calgary en 1995, mentionne que la position de défenseur n’est pas assez valorisée chez les jeunes.

« Pour avoir dirigé au hockey mineur au cours des dernières années, c’est assurément un fait.  Heureusement une réflexion s’opère chez d'anciens pros qui aujourd’hui ont la chance de diriger et qui ont envie de s’impliquer. On entend souvent les parents dire qu’ils sont bien heureux qu’il y ait de bons défenseurs défensifs dans leurs équipes, mais ne ils souhaitent pas que ce soit leur fils!  Lorsque les jeunes regardent des images sur internet, c’est rarement la glissade pour bloquer un tir qui est mis en valeur, mais un but marqué de façon spectaculaire. »

Même son de cloche chez le directeur général des Voltigeurs de Drummondville Philippe Boucher, lui aussi un ancien défenseur de la LHJMQ choisi en première ronde par les Sabres de Buffalo en 1991.

« C’est une position qui doit être mieux enseignée. Aujourd’hui chaque équipe junior à son entraîneur des gardiens de but, mais ce n’est pas toutes les formations qui ont quelqu’un pour bien enseigner aux défenseurs les petits détails. Nous, à Drummondville, on est chanceux d’avoir un gars comme Denis Gauthier sur la glace avec nos joueurs chaque jour. » 

Boucher ajoute que ça l’a toujours préoccupé de voir si peu de défenseurs produits par la LHJMQ au fil des ans.

Quand on regarde le nombre d’arrières québécois réclamés au cours des dernières séances de sélection de la LNH, on ne peut pas dire que la tendance est au changement. En 2019, seulement deux défenseurs « élevés » par Hockey Québec ont été sélectionnés : Samuel Bolduc par les Islanders de New York au 57e rang et Maxence Guénette par les Sénateurs d’Ottawa en 187e position. L’année précédente, en 2018, seulement trois furent choisis : Nicolas Beaudin (27e), Xavier Bernard (110e) et Xavier Bouchard (187e).

Quand on consulte la liste des meilleurs espoirs en vue du prochain encan, seulement trois défenseurs québécois font partie des 150 meilleurs espoirs en Amérique du Nord : Jérémie Poirier et William Villeneuve des Sea Dogs classés respectivement (18e) et (99e), de même que Louis Crevier des Saguenéens de Chicoutimi en 118e position.

La tendance s’observe aussi au niveau d’Équipe Canada Junior, alors qu’au cours des 20 dernières années seulement 10 défenseurs québécois ont porté les couleurs de l’équipe nationale et, de ceux-là, trois n’ont jamais disputé un seul match dans la Ligue nationale par la suite. Il n’y a d’ailleurs eu aucun Québécois à la ligne bleue de l’équipe nationale junior au cours des trois dernières éditions de l’équipe.

La réponse à la question

Revenons maintenant à la prémisse de départ... Dans l’histoire des séances de sélection de la Ligue nationale de hockey SEULEMENT TROIS défenseurs québécois (issus de la LHJMQ) ont été sélectionnés top-10 et le dernier remonte à 1984.  Outre Raymond Bourque par les Bruins (8e-1979), il y a eu Robert Picard (3e-1977) par les Capitals de Washington et Jean-Jacques Daigneault (10e-1984) par les Canucks de Vancouver.  Depuis la sélection de Daigneault, seuls Yves Racine (1987) et Samuel Morin (2013) sont venus tout près de s’insérer dans ce groupe sélect, étant réclamés en 11e position.

Si on veut vraiment ajouter un décompte plus officiel, trois autres arrières québécois, qui n’ont pas joué dans le circuit Courteau, ont aussi été réclamés top-10 soit Shawn Anderson par Buffalo en 1985, Jocelyn Guevremont par Vancouver en 1971 et Dale Tallon par Chicago en 1970. Comme vous pouvez le constater, ça ne date pas d’hier.

Est-ce que le défenseur Tristan Luneau des Estacades de Trois-Rivières, considéré comme le meilleur espoir de la LHJMQ cette année, s’ajoutera à ce groupe sélect en 2022 lorsqu’il sera admissible à son tour à l’encan de la LNH? Difficile à dire, mais chose certaine si cela devait être le cas il ferait partie d’une minorité bien difficile à expliquer...