Pour les amateurs de hockey, le nom de Bill McCreary évoque les images de l’arbitre à la grosse moustache noire qui faisait tournoyer la rondelle comme une pièce de monnaie avant de déposer la mise en jeu initiale de tous les matchs qu’il officiait.

Pour les centaines de joueurs, d’entraîneurs et de directeurs généraux qui ont composé avec lui au fil de sa carrière de 26 ans dans la LNH, Bill McCreary imposait le respect des règles, des joueurs, des équipes. « Pat disait toujours que s’il avait le choix d’un arbitre pour diriger un septième match de la finale de la coupe Stanley, il vous choisirait, M. McCreary», a témoigné Line Gignac, l’épouse de l’entraîneur-chef qui sera intronisé lundi à titre de bâtisseur.

C’est en raison de ce respect commandé par Bill McCreary qu’il entrera par la grande porte du Panthéon du hockey lundi.

Un respect associé aux 1737 matchs de saison régulière qu’il a dirigés, aux 297 matchs de séries éliminatoires, à sa sélection dans le cadre de 15 finales de la coupe Stanley au cours desquelles il a dirigé 44 parties. Un record qui devrait traverser le temps.

Bill McCreary a aussi pris part aux Jeux olympiques de Nagano (1998), Salt Lake City (2002) et Vancouver (2010), étant sur la glace à chaque occasion pour le match de la médaille d’or.

Respect des joueurs et des partisans

Le respect voué à McCreary n’a d’égal que celui que l’arbitre voue au hockey et à ceux qui le pratiquent. À tous les niveaux. « Je n’étais pas assez bon à ma sortie des rangs juniors pour atteindre la LNH. Malgré tout, mon amour du sport m’imposait d’y rester associé. L’arbitrage m’a permis de le faire pendant plus de 25 ans. C’est extraordinaire. Et j’espère que plusieurs jeunes dans la même situation que la mienne en sortant des rangs juniors suivront le chemin que j’ai suivi, car j’ai connu une carrière magnifique. »

Au-delà les injures balancées par les partisans des 30 équipes de la LNH et des quelques engueulades qu’il a eues avec certains joueurs et entraîneurs au fil des ans, Bill McCreary assure que la communication, plus encore que son sifflet, lui a permis de garder le contrôle des matchs qu’il a officiés.

« Les gens paient le gros prix pour venir voir les joueurs étaler leur talent sur la patinoire et non pour me voir décerner des pénalités. J’ai donc toujours eu comme ligne directrice de parler avec les joueurs pour leur faire prendre conscience qu’ils jouaient avec le feu. Qu’ils s’attiraient des pénalités. Chaque remarque qui a permis à un joueur d’éviter le banc représente un succès à mes yeux », expliquait McCreary en fin de semaine à Toronto.

Ce désir de demeurer discret lui a toutefois déjà valu les réprimandes d’un de ses patrons. « J’étais à Hartford, les Oilers visitaient les Whalers. Je n’avais décerné qu’une pénalité en première période et je croyais que tout allait bien. Au premier entracte, mon boss est entré en trombe et il m’a demandé si j’étais malade. Si je me sentais bien. J’ai répondu oui aux deux questions. Il a alors levé le ton et m’a ordonné de me mettre au travail. De faire mon job et de décerner des pénalités quand elles méritaient de l’être. J’en ai décerné sept ou huit après coup tant je craignais être congédié. »

Décisions difficiles

C’est la recherche de l’équilibre qui représente le plus gros défi pour les arbitres. Et dans le hockey d’aujourd’hui, avec la vitesse des joueurs et la qualité des reprises télé qui peuvent faire mal paraître le meilleur des officiels, il est difficile d’atteindre cet équilibre en limitant au minimum les risques d’erreurs.

« Notre travail n’est pas facile. Je n’ai jamais entendu un joueur me féliciter pour lui avoir décerné une pénalité ou des partisans me dire bravo parce que j’ai offert une attaque massive à l’équipe adverse. Mais ça vient avec le chandail et le sifflet. Tu dois assumer cette responsabilité », a poursuivi McCreary avec un brin de fierté.

Des milliers de décisions difficiles qu’il a rendues dans la LNH ou sur la scène internationale, Bill McCreary se souvient de deux en particulier. Une qui lui a valu – et lui vaut encore aujourd’hui – les critiques de Steve Yzerman bien que McCreary est convaincu d’avoir raison, et une autre que les reprises d’aujourd’hui auraient permis de corriger, puisqu’il s’agissait d’une erreur. Une erreur commise en finale de la coupe Stanley en 1989 alors que les Flames de Calgary ont battu le Canadien de Montréal en six matchs.

« Il y avait beaucoup d’action autour du but et Jim Peplinski a poussé la rondelle avec son patin, je crois. Ce n’était pas évident et j’ai accordé un but que la technologie d’aujourd’hui aurait permis d’annuler. Dans les paramètres du temps, j’avais pris la meilleure décision possible bien qu’après coup j’ai réalisé avoir commis une erreur. »

L’autre décision, une décision dont il est fier encore aujourd’hui, s’est produite en 2002 durant le match de médaille d’or opposant le Canada et les États-Unis.

« Le Canada menait 3-2 en troisième période. Steve a accroché Aaron Miller et j’ai levé le bras. Yzerman m’en veut depuis ce jour, mais c’était la décision qui s’imposait. Pendant l’attaque massive, Brett Hull a décoché un tir sur réception que Martin Brodeur avait stoppé pour maintenir l’avance », se souvient McCreary.

Peu de temps après sa sortie du cachot, Yzerman a préparé un but marqué par Jarome Iginla pour doubler l’avance du Canada. Joe Sakic avait ajouté un cinquième but dans la victoire de 5-2.

« Je n’ai jamais hésité à rendre cette décision, car dans le cas d’un match aussi important, même s’il opposait mon pays aux États-Unis, c’était la seule décision possible. Je m’en voudrais encore aujourd’hui si j’avais privé les Américains d’une attaque massive méritée en fermant les yeux sur une telle décision. Commettre une erreur de bonne foi passe toujours. Mais avoir un parti-pris est inacceptable. »

Des erreurs, Bill McCreary en a commis. Mais après ses 2034 matchs arbitrés dans la LNH, ce sont ses décisions justes, justifiées et éclairées qu’on associe encore aujourd’hui à Bill McCreary et non ses erreurs.

Lundi soir, l’arbitre originaire de Guelph en Ontario deviendra le 16e officiel – arbitres et juges de lignes confondus – à faire son entrée au Temple de la renommée. Une fois les célébrations terminées, McCreary reprendra la route afin d’épauler les arbitres d’aujourd’hui à titre de superviseur. Un emploi que le futur intronisé a accepté avec plaisir afin de demeurer en contact avec le hockey et de transmettre ses connaissances et son expérience.