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RÉSULTATS

Les tests du « Combine », qu'ossa donne?

Connor Bedard Connor Bedard - Getty
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BUFFALO – Ethan Gauthier n'en peut plus. Il a donné son dernier coup de pédales.

Accoudé sur les guidons du vélo stationnaire, les yeux fixant le sol, il inspire autant d'air que possible à travers le masque qui obstrue la moitié de son visage. Une préposée, qui s'était approchée alors que s'achevait le calvaire du Québécois, libère alors ses pieds du pédalier, avant de soulever son chandail pour lui retirer un capteur collé à son torse.

Au moment où Gauthier regagne la force de descendre de sa monture, l'employée veillant sur lui agrippe son bras gauche pour l'accompagner une dizaine de pieds plus loin jusqu'à la sortie de la patinoire du LECOM Harborcenter, qui l'instant de deux journées a été transformée en salle des tortures pour la tenue du Camp d'évaluation de la LNH à Buffalo.

Sous le regard attentif de Martin Lapointe, Directeur du recrutement amateur du Canadien de Montréal, et de son collègue dépisteur Ben Shutron, qui ont assisté à la scène, Gauthier s'engouffre d'un pas lent et saccadé dans le couloir, avant de disparaître de leur champ de vision.

Gauthier a complété son premier test du « Combine » : le VO2 max.

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Les 106 espoirs invités à l'événement ont subi le supplice du VO2 max vendredi, histoire de les épargner en vue de la quinzaine de tests qui les attendaient le lendemain. Parmi ceux-ci, le toujours redouté Wingate, effectué lui aussi sur un vélo stationnaire.

« Deux semaines avant de venir ici, j'ai pratiqué les tests et je trouvais que le VO2 max était plus dur que le Wingate. Mais je viens tout juste de faire le Wingate... Je devrais peut-être réviser mes propos », se questionnait Gauthier, samedi, à la conclusion de son circuit d'épreuves.

D'une part, le VO2 max mesure les aptitudes aérobiques des joueurs, c'est-à-dire la capacité de leurs systèmes cardiovasculaires et respiratoires à fournir de l'oxygène à leurs muscles pour pédaler tant qu'ils en sont capables.

Le Wingate, qui mesure les capacités anaérobiques, consiste quant à lui à pédaler au maximum de ses capacités pendant 30 secondes contre une résistance ajustée en fonction de son poids, tout en ne soulevant pas ses fesses de la selle.

« Dans les deux cas, je dois voir perdu 5 livres après chacun des tests », ironisait Gauthier, nouveau membre des Voltigeurs de Drummondville.

« Après le VO2 max, je ne sentais plus mes jambes. [Le Wingate] c'est vraiment plus le cardio, j'avais l'impression que le cœur allait me sortir du chest », imageait pour sa part Mathieu Cataford, attaquant des Mooseheads d'Halifax.

« Les gens diront que 30 secondes ce n'est pas long, mais quand tu y vas à fond, c'est long », témoignait de son côté le défenseur des Cataractes de Shawinigan Jordan Tourigny, qui a signé le meilleur résultat de la journée pour la durée au VO2 max (13:48).

Un bel accomplissement, certes, mais qui ne risque pas d'influencer à la hausse le rang où il pourrait être sélectionné au repêchage de la LNH, les 28 et 29 juin à Nashville. Et l'inverse est tout aussi vrai pour des prospects de premier plan n'ayant pas percé le top-10 des différents tests.  

« Le problème, c'est la valeur prédictive de tout ça. Ça vaut quoi? », s'interroge Jean Lemoyne, professeur au département des sciences de l'activité physique de l'UQTR et directeur du Laboratoire de recherche sur le hockey.

« Les résultats ne font pas foi de tout. Ce sont des valeurs prédictives qui sont très modestes. C'est significatif, mais rien pour tomber à terre. Ça ne devient pas LE prédicteur à regarder. Je pense que ce qui se passe sur la glace, de même que l'aspect psychologique, ça reste les points très, très importants pour les équipes. »

« Si une équipe est en amour avec un joueur et qu'il ne score pas aux tests, je ne pense pas qu'elle va décider que ce joueur-là ne mérite pas d'être repêché », ajoute Lemoyne.

À titre d'exemple, Connor Bedard, futur premier choix de sa cuvée, a percé le top-10 en deux occasions : au test du « pull-up » (3e avec 14) et au test du pourcentage de gras corporel (6e à 7,82). Est-ce que les Blackhawks de Chicago remettront en doute l'évidence sous prétexte que le surdoué n'a pas dominé ses compères? Non.

Et est-ce que Jonathan Castagna, 91e meilleur espoir nord-américain selon la Centrale de recrutement, se faufilera soudainement au premier tour parce qu'il a offert le meilleur résultat dans quatre tests et qu'il a signé neuf top-10? Probablement pas.

Connor Bedard

« Se faire mal »

Le scientifique cite toutefois une étude de l'Université de Guelph, parue en 2022, qui concluait après avoir compilé les données des Camps d'évaluation de la LNH de 1994 à 2007 que la puissance maximale des jambes et les capacités aérobiques étaient les meilleures variables pour prédire une percée plus hâtive dans la LNH.

« Les tests de puissance comme le Wingate et les tests de sauts, ce sont davantage des choses qui se rapprochent du patin », vulgarise Lemoyne, qui ne peut en dire autant des exercices sollicitant le haut du corps, particulièrement celui du « pull-up ». C'est à celui-ci que l'échec de Sam Bennett à réussir une seule répétition avait fait grand bruit en 2014.

L'attaquant de 26 ans des Panthers de la Floride, 4e choix du repêchage de 2014, a joué samedi son 610e match en carrière dans la LNH...

« [Les tests pour le haut du corps], c'est plus loin de la tâche. On est capable de faire des liens, mais ça reste plus loin de la spécificité du hockey pareil », ajoute le chercheur, tout en rappelant qu'à l'âge de 17 ou 18 ans, les joueurs ne luttent pas tous sur un pied d'égalité sur le plan de la maturité physique.

« Il y en a qui sont déjà des hommes très développés, et il y en a d'autres qui sont encore de jeunes coqs avec bien de l'espace pour progresser physiquement. »

Alors, à quoi bon faire tout cela?

« Ce que les organisations regardent sans doute avant tout, c'est la détermination des joueurs et leur résilience, surtout au VO2 max et au Wingate. Ça donne un aperçu de jusqu'où ils sont capables de se faire mal », conclut Lemoyne.

« C'est dans ces moments-là que tu veux juste montrer ton caractère, montrer qui t'es », approuve Gauthier, qui est vu par la Centrale de recrutement de la LNH comme le meilleur espoir issu de la LHJMQ.

« Ça permet aux recruteurs de voir à quel point un joueur est prêt à compétitionner et repousser ses limites, renchérit-il. C'est ça l'important. Si un gars a une répétition un peu plus difficile au pull-up, est-ce qu'il va lâcher, ou il va essayer d'en faire une de plus? »

Pour consulter les résultats à chacun des tests, cliquez ici.