Un samedi soir en territoire ennemi
BOSTON – Chassé de Montréal par la tempête qui approchait et qui poussait déjà les compagnies aériennes à repousser à lundi les vols dominicaux en direction de Boston, c'est dans un bar sportif de « Bean Town » que j'ai vu la tempête américaine déferler sur la patinoire du Centre Bell.
Et quelle tempête!
Quand Matthew Tkachuk a laissé tomber les gants devant Brandon Hagel deux secondes après la mise en jeu initiale, ceux et celles qui avaient décidé de prendre une rasade de bière ou une bouchée de leur « Cheeseburger » se sont presque étouffés.
Leurs bières étaient rendues chaudes et leurs burgers froids lorsqu'ils les ont repris en main tant les neuf premières secondes marquées ensuite par les combats Brady Tkachuk – Sam Bennett et J.T. Miller – Colton Parayko ont été interminables.
Les hostilités étaient lancées.
Parce que mon collègue et ami Luc Gélinas portait fièrement le chandail d'Équipe Canada conçu pour la Confrontation des 4 Nations, je me suis dit que c'était finalement une très bonne chose qu'on soit restés dans le secteur de « Back Bay », loin des bars ceinturant le TD Garden. Car dans ces bars où s'entassent les partisans des Bruins, ce samedi soir en territoire ennemi aurait pu être un brin plus long et deux brins plus mouvementé.
Le sport c'est sérieux à Boston. La passion vouée aux Celtics, aux Red Sox, aux Patriots et aux Bruins est sans limite. La seule qui la dépasse est la passion pour le drapeau américain.
Déjà que la polémique associée aux huées réservées à l'hymne national américain était de nature à mettre les amateurs de sports de Boston sur les dents, les trois bagarres successives mettaient de l'huile sur le feu.
Et ce n'est pas la présence du capitaine des Bruins Brad Marchand avec « Team Canada » qui aurait servi de boucliers aux insultes et peut-être quelques taloches que deux « petits vieux » venus de Montréal, dont un affichant les couleurs de son pays, auraient pu essuyer.
Des clients dans un bar de Boston visités par François Gagnon et Luc Gélinas samedi.
C'était beaucoup moins hostile dans notre restaurant. Même que les cris lancés à quelques tables lorsque Connor McDavid s'est moqué des défenseurs Charlie McAvoy et Zach Werenski pour aller inscrire le premier but du match ont attiré des regards presque gentils des amateurs installés aux tables voisines.
Et comme ce sont les seuls cris de satisfaction que les Canadiens venus en zone ennemie ont pu lancer, les « Prouds Americans » n'ont pas trop été échaudés.
Tant mieux!
Ils pourront toutefois se reprendre jeudi soir lors de la grande finale de la Confrontation des 4 nations.
Est-ce que cette finale servira de match revanche au Canada?
Ça devrait!
Mais après avoir eu besoin d'une prolongation pour battre la Suède lors du premier match, le Canada doit maintenant battre la Finlande pour obtenir le privilège de se retrouver à nouveau devant les USA.
Battre Patrik Laine et ses compatriotes ne devrait être qu'une formalité pour Sidney Crosby et les membres d'équipe Canada.
Sauf que...
Au-delà de tout le talent, la vitesse et le caractère qui flotte dans le vestiaire du Canada, il faudra prendre les moyens nécessaires pour y arriver. Il faudra marquer plus qu'un but. Il faudra surtout éviter d'en accorder plus qu'on en marque.
Parce que Connor McDavid a été le seul marqueur du Canada samedi soir, parce que Cale Makar a dû déclarer forfait privant ainsi le Canada de trois de ses quatre meilleurs défenseurs – Alex Pietrangelo a décidé de ne pas participer au tournoi et Shea Theodore a été blessé lors du premier match – parce que Sidney Crosby n'a obtenu de tir tout comme le franc-tireur Sam Reinhart, Jordan Binnington esquive des critiques qu'il mérite pourtant pleinement.
Après un match ordinaire en lever de rideau du tournoi, il a encore été trop généreux samedi soir face aux Américains.
Le premier but accordé à Jake Guentzel est un cadeau. Rien de moins. L'entraîneur-chef Jon Cooper peut parler tant qu'il voudra du grand talent de marqueur de l'ailier qu'il dirige avec le Lightning, un talent indéniable soit dit en passant, mais Binnington s'est quand même fait passer un sapin alors qu'il devait effectuer un arrêt de routine.
Personne ne demande à Binnington de voler des buts à l'adversaire. Mais tout le monde a le droit de s'attendre du « meilleur » gardien du Canada qu'il donne une chance réelle de gagner à son équipe.
Il ne l'a pas fait hier.
Oui, il a effectué quelques bons arrêts au cours de la rencontre. C'est bien la moindre des choses. Mais il n'avait pas le droit de laisser filer l'avance que venait de lui offrir Connor McDavid en laissant glisser bêtement la rondelle entre ses jambières.
Et vous savez quoi? En levant la tête au ciel comme il l'a fait quand il a réalisé que la rondelle l'avait déjoué, Binnington a été le premier à témoigner du fait qu'il venait de faire un cadeau à Guentzel.
On était aussi en droit de s'attendre à un arrêt sur le tir de Dylan Larkin qui a doublé l'avance des USA et qui est devenu le but de la victoire.
Jon Cooper défend Binnington depuis qu'il a confirmé sa présence devant la cage canadienne. Il affiche une confiance qui semble inébranlable à l'endroit du gardien des Blues.
Une confiance qui semble démesurée.
Car Binnington n'est pas vraiment meilleur qu'Adin Hill qui le seconde, voire Samuel Montembeault tapi derrière les deux premiers.
Est-ce que Hill ou Montembeault pourraient assurer une victoire canadienne aux dépens des USA?
Non!
Mais avant de penser aux USA, il serait bien de bien préparer le match face à la Finlande et d'en disputer un solide pour éviter l'affront d'être évincé du match final.
Pour battre la Finlande il faudra des buts, oui, mais aussi des arrêts importants. Il faudra surtout éviter d'offrir un ou des buts en cadeau pour compliquer la cause d'Équipe Canada. Parce qu'il a été trop généreux, il me semble que Binnington devrait être gardé au banc. Car un autre cadeau offert aux Finlandais pourrait leur donner des ailes et étioler la confiance de ses coéquipiers à son endroit.
Si elle ne l'est pas déjà!
Aux Jeux olympiques de 2010, à Vancouver, le Canada avait perdu (5-3) face aux États-Unis en ronde préliminaire. Il s'était repris en grande finale avec le but en or marqué par Sidney Crosby en prolongation.
Si Martin Brodeur, qui avait perdu le premier match contre les USA, a pu être remplacé par Roberto Luongo pour secouer les choses et contribuer à la victoire du Canada lors du match de médaille d'or, il me semble que Jordan Binnington pourrait plus facilement encore être remplacé.
De fait, il devrait l'être!