BOKWANG, République de Corée - Le Parc à neige Phoenix a été généreux de manière générale envers les athlètes canadiens pendant la quinzaine olympique aux Jeux de PyeongChang. Et il a aussi généré son lot d'émotions fortes.

Les Canadiens y ont amassé un total de 11 médailles, dont 5 d'or, sur la récolte record de 29 du pays. Mais après chacune des épreuves, toute la gamme des émotions y est passée : de l'ivresse de la victoire à l'amertume de la défaite, en passant par la tristesse, la sérénité et la résignation.

Mikaël Kingsbury a donné le ton à la fructueuse récolte canadienne deux jours après la cérémonie d'ouverture des Jeux en rejoignant dans la prestigieuse histoire canadienne des bosses les légendaires Jean-Luc Brassard et Alexandre Bilodeau. Après avoir dominé ses adversaires en super-finale, le bosseur de Deux-Montagnes a poussé un soupir de soulagement : la pression qu'il ressentait depuis Sotchi était finalement tombée.

« J'ai entendu "champion olympique" un million de fois dans mes rêves, mais maintenant, c'est bien réel », a déclaré Kingsbury, la médaille d'or accrochée au cou.

La veille, Justine Dufour-Lapointe était passée à seulement 0,09 point d'imiter Bilodeau, qui est le seul bosseur à avoir défendu son titre olympique avec succès. En dépit de cette deuxième place crève-coeur, la cadette des soeurs Dufour-Lapointe était sereine avec le résultat.

« Je suis plus fière de cette médaille-ci que de celle d'or à Sotchi, parce que j'ai travaillé encore plus fort pour m'y rendre. Cette année, ç'a été une des années les plus difficiles de toute ma vie, donc non, je n'ai pas envie d'être déçue », a déclaré la bosseuse âgée de 23 ans, en référence au combat de sa mère contre le cancer.

Si un consensus se dégageait parmi les observateurs pour dire que ces deux bosseurs se retrouveraient sur le podium aux Olympiques, c'était une toute autre histoire pour Brady Leman, Cassie Sharpe et bien sûr Alex Beaulieu-Marchand.

Le skieur âgé de 23 ans peinait à marcher et à se tenir debout, à peine quelques jours avant son épreuve de descente acrobatique, en raison d'un nerf coincé dans le bas du dos. Contre toute attente, « ABM » a obtenu une médaille de bronze dont il était le plus reconnaissant du monde.

« C'est incroyable, j'ai atterri ma descente les trois fois. Avec tout ce qui m'est arrivé, les blessures, je n'y croyais pas. On aurait dit que je ne pensais pas que c'était possible. Et j'ai réussi ça dans la compétition la plus intense, la plus "wow!" que j'ai jamais vue de ma vie, je n'en reviens juste pas », a-t-il dit, au bord des larmes.

La résilience des planchistes

On les attendait, et ils ont livré la marchandise. Les planchistes canadiens, qui composent l'une des équipes les plus redoutables au monde sur des circuits alternatifs comme le Dew Tour et les X-Games, ont offert tout un spectacle pendant leurs épreuves.

Évidemment, il y a les vedettes de l'heure, tels que Maxence Parrot et Mark McMorris, et les autres (Sébastien Toutant et Laurie Blouin, notamment) qui se sont révélés de belles surprises en Corée du Sud.

Blouin a symbolisé à sa manière la résilience lorsqu'elle s'est hissée sur la deuxième marche du podium en descente acrobatique, le visage encore tuméfié à la suite d'une violente chute survenue trois jours plus tôt qui aurait pu faire dérailler son rêve olympique.

« C'est fou!, s'est exclamée l'athlète de Stoneham après sa performance. Honnêtement, je ne le réalise pas encore. Je suis fière car j'ai tellement travaillé fort avec mon entraîneur et tout mon entourage. »

Toutant symbolisait lui aussi, à sa manière, la persévérance. Après avoir terminé 11e à l'épreuve de descente acrobatique la semaine précédente et neuvième aux Jeux de Sotchi en 2014, « Seb Toots » est parvenu contre toute attente à devenir le premier champion de grand saut de l'histoire olympique. Un exploit qu'il peinait à réaliser, et qu'il souhaitait à tout prix partager avec ses proches.

« Finir avec une médaille d'or, c'est vraiment "cool", s'est écrié le planchiste de l'Assomption. J'ai vraiment hâte de voir ma famille, ma blonde, tout le monde à la maison, et célébrer. Tout est frais fait que tu n'as pas la chance de le réaliser. Je dois apprécier chaque minute, c'est un moment spécial! »

Parrot, qui a remporté d'immenses succès depuis quatre ans aux X-Games, a lui aussi goûté pour la première fois de sa carrière au succès olympique. Le planchiste de Bromont, qui est âgé de 23 ans, a décroché l'argent en descente acrobatique, tout juste devant le miraculé McMorris.

« Je suis sur un nuage, a lancé Parrot, le sourire accroché aux lèvres. Je peux dire mission accomplie, et ajouter un petit crochet à côté de la case réservée aux Jeux. (...) Sotchi, il n'y avait qu'un Canadien sur le podium, ici il y en a deux, et qui sait, peut-être qu'à Pékin dans quatre ans nous serons trois. »

Le temps qui passe...

Pour certains, le succès se quantifie en médailles, alors que pour d'autres il se mesure de façon beaucoup moins concrète. Parlez-en au sauteur Olivier Rochon.

Rochon, dont le rêve olympique n'a jamais pu se concrétiser en 2010 et 2014, a terminé cinquième lors de l'épreuve des sauts à PyeongChang. Même s'il n'a pu grimper sur le podium, le vétéran âgé de 28 ans était rayonnant à la conclusion de la compétition.

« Une médaille olympique, ça aurait été "le fun", mais une cinquième place à mes premiers Jeux olympiques, ça se prend très bien. Je suis surtout fier de la progression et de tout le travail que j'ai fait pour me rendre là. C'est une médaille d'or pour moi », a mentionné le Gatinois.

Rochon, plus que quiconque, sait à quel point le temps compte lorsqu'on aspire à représenter son pays aux Jeux olympiques. Si certains tourneront bientôt la page sur une carrière bien remplie, d'autres ont fait leur entrée dans la délégation canadienne et symbolisent le renouveau.

Pendant que Jasey-Jay Anderson, à 42 ans, devenait le premier représentant de l'unifolié à participer à six jeux en carrière, la Longueilloise Elizabeth Hosking, la plus jeune athlète canadienne en Corée du Sud à seulement 16 ans, rêvait déjà aux Jeux de Pékin en 2022.

« Ce sont les Olympiques. Il n'y a rien de plus gros que les Olympiques. C'est malade! (...) Après avoir vu ça, j'ai regardé mes "coachs" et je leur ai dit : "Je fais un autre quatre ans" », a-t-elle conclu.