La poussière retombe quelque peu sur l’incident George Parros, lui qui a été victime d'une commotion cérébrale en tombant face première sur la patinoire suivant une bagarre l'opposant à Colton Orr, mardi soir. Cet incident a non seulement suscité de fortes réactions chez les partisans, mais au surplus rouvre l'éternel débat quant à la présence des bagarres au hockey.

La réglementation de la LNH relativement aux bagarres est pour le moins perplexe en ce qu’elle réprimande les combats sur glace par des sanctions, mais en même temps les tolère indirectement. Conformément à sa règle 46.1, un combat survient lorsqu'un joueur donne des coups à un adversaire à plusieurs reprises ou lorsque deux joueurs luttent de telle sorte qu'il est difficile pour les juges de lignes d'intervenir [i].

Au-delà de la définition même du combat, la LNH impose sa propre explication de ce qu'est un agresseur aux termes de sa règle 46.2, lequel est décrit comme un joueur qui persiste à donner des coups afin de punir son adversaire qui est en position d'infériorité ou qui refuse de se mêler au combat [ii]. Dans un même ordre d'idées, tout joueur, qui continue un combat après qu'il ait été ordonné par l'arbitre de cesser ou qui résiste à un juge de lignes, sera fautif et recevra une punition pour mauvaise conduite [iii].

De ce fait, la LNH réprimande les combats par le biais de sa règle 46.14, laquelle impose une pénalité majeure à tout joueur impliqué dans un combat [iv]. Quant à elles, les règles 46.17 à 46.22 infligent, en plus des pénalités, des amendes, et ce, tout dépendant de la gravité des combats et du nombre de fois qu'un même joueur se trouve engagé dans un combat [v].

Or, il y a une apparence de contradiction dans les règlements de la LNH en ce qu’elle interdit depuis 2011 les coups à la tête à sa règle 48 [vi], mais tolère les combats, qui, forcément impliquent ce type de coups. Mais à quoi bon sert de prohiber les coups à la tête si on les permet lors d’un combat sur glace? Un coup à la tête constitue une infraction conformément à la réglementation de la LNH, mais il est permis dans la mesure où il est donné dans le cadre d’une bagarre.

Bien que la LNH prétend qu'elle place au cœur de ses priorités la santé et la sécurité de ses joueurs, elle édicte des règles qui ne prohibent pas en soi les combats sur glace. Certes, la LNH impose des sanctions aux joueurs impliqués dans les combats, mais est-ce que purger quelques minutes au banc des pénalités est suffisant pour en tirer une leçon lorsqu'un adversaire quitte sur une civière en plein milieu d'un match? Les entraîneurs et la direction devraient exiger que leurs équipes jouent avec plus de discipline et prôner un jeu exempt de violence. Le problème est que la LNH accepte un niveau de violence élevé et puisque le public semble apprécier les bagarres, les joueurs sont incités eux aussi à l'accepter et à la mettre en action. Les bagarres sont pourtant interdites lors des Jeux olympiques d’hiver et c’est à se demander pourquoi la LNH ne s’inspire pas de cette règle pour l’appliquer elle aussi à son jeu.

De plus en plus de joueurs se blessent sérieusement au hockey de telle sorte qu'ils doivent demeurer hors du jeu pendant des semaines, voire des mois. La convalescence est longue et les effets sur la santé des joueurs sont néfastes. Mais est-ce que la réglementation de la LNH est suffisamment raisonnable pour exonérer sa responsabilité? La récente entente intervenue entre la NFL et les anciens joueurs de football laisse présager que la LNH devra elle aussi tôt ou tard prendre ses responsabilités face à ce fléau.

En l'espèce, Parros a été malchanceux lors de cette bataille l'opposant à Orr et personne n'est à blâmer pour ce fâcheux accident. Ceci étant, nul ne peut nier que Parros avait été embauché pour jouer ce rôle au sein de l'équipe et ce faisant, il doit accepter les risques inhérents à sa profession. Nonobstant ces risques physiques, les batailles font partie du spectacle sportif et profitent indirectement à la LNH.

Supporter l'élimination des bagarres demeure toutefois un important débat, car les partisans ne désirent par forcément leur abolition. La LNH se doit toutefois d'apporter des précautions supplémentaires, et ce, pour préserver la sécurité de ses joueurs. Certes, le divertissement importe, mais encore faut-il qu'il le soit conformément aux règles du jeu. Bien que plusieurs mesures ont été mises en place pour prévenir les accidents découlant des bagarres, les risques demeurent élevés. En ce sens, il est peut-être temps de légiférer sur ce fléau.

Marianne Saroli, LL.B., avocate

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[i] RÈGLEMENTS OFFICIELS DE LA LNH, règle 46.1, en ligne :

http://www.nhl.com/ice/page.htm?id=26336

[ii] Id. règle 46.2

[iii] Id. règle 46.5

[iv] Id. règle 46.14

[v] Id. règle 46.17 à 46.22

[vi] Id. règle 48