Meurtri, mais surtout grandi
WASHINGTON - David Savard et ses coéquipiers sortent les bras et le cœur meurtris des séries éliminatoires. Les dernières pour le vétéran défenseur qui a quitté la patinoire et fait ses premiers pas vers la retraite sur un tapis rouge de commentaires élogieux.
Mais bien au-delà le mélange normal de déception et de douleur associé à cette défaite expéditive aux mains de Capitals de Washington plus grands, plus forts, plus expérimentés et tout simplement meilleurs, le Canadien sort grandi de ces séries. Des séries auxquelles le Tricolore accédera régulièrement dans un avenir rapproché. Des séries auxquelles il s'accrochera bien plus longtemps que les cinq matchs qu'aura duré le duel l'opposant à Alex Ovechkin et ses Capitals de Washington.
Et c'est ça qui devrait primer sur tout le reste.
« L'expérience que nous avons acquise lors de ces cinq matchs est inestimable. Tu dois vivre les séries pour comprendre. Tu regardes ce qu'Ovechkin a fait sur la patinoire lors de ces cinq parties et tu réalises la vraie nature des séries. On a commis quelques erreurs ici et là de plus qu'eux et c'est venu nous hanter. Les petits détails ont des répercussions énormes en séries. Nous serons de retour et nous serons mieux préparés la prochaine fois », a analysé le vétéran Brendan Gallagher après la défaite de 4-1 qui mettait fin à sa saison et à celle de ses coéquipiers.
« La peine que nous vivons en ce moment n'a rien à voir avec les joies qui s'en viennent », a aussi convenu Martin St-Louis.
Les joies qui s'en viennent, St-Louis peut les promettre en se basant sur ce que son jeune noyau est déjà en mesure d'offrir comme performances. Il s'est même permis de rire un peu en revenant sur la présence des jeunes Suzuki et Caufield, et des petits jeunes Slafkovsky, Demidov et Hutson qui, avec le petit vieux Brendan Gallagher ont tenté une remontée de dernières minutes après que Jakub Dobes eut été rappelé au banc à la faveur d'un sixième patineur.
« Ça fait mal en ce moment. Ça fait même très mal. Mais quand tu regardes où nous étions en début de saison et où nous sommes ce soir nous avons tellement grandi qu'on se doit d'être extrêmement fier de ce que nous avons appris », a aussi plaidé le capitaine Nick Suzuki.
Suzuki dans la lignée des Point et Kucherov
Les plus beaux commentaires sur l'avenir plus que prometteur du Canadien ne sont toutefois pas venus de Martin St-Louis, de son capitaine ou des joueurs du Tricolore.
Ils sont venus de la bouche de Spencer Carbery.
« Ce premier trio et ce que Lane Hutson est devenu cette année à la ligne bleue, c'est du solide. Quand tu regardes tout ce qu'ils peuvent faire sur la patinoire, tu n'as pas d'autre choix comme entraîneur-chef d'établir un plan de match spécifique pour tenter de les contenir », a lancé l'entraîneur-chef des Caps.
Carbery ne s'est pas arrêté là. Il a placé Suzuki et ses compagnons de trio dans la même catégorie que Brayden Point et Nikita Kucherov.
« Quand je suis arrivé à Toronto comme adjoint avec les Maple Leafs et qu'on préparait des matchs contre le Lightning de Tampa Bay, toutes nos stratégies étaient basées sur les moyens à prendre pour contrer Point, Kucherov et peu importe qui complétait leur trio. Les joueurs sur le banc et les entraîneurs derrière le banc les avaient toujours à l'œil. Nous voulions être prêts à réagir dès qu'ils s'apprêtaient à sauter sur la patinoire. Nick Suzuki et son trio nous obligent à appliquer le même genre d'attention à leur endroit et c'est pour moi le plus beau compliment que tu puisses offrir afin d'illustrer leur importance. Tu dois être prêt en tout temps. Tu dois étudier ce qu'ils font. Tu dois prendre les moyens pour toujours avoir les joueurs que tu veux leur opposer sans quoi ils seront en mesure de te faire payer ton manque d'attention. Tu ajoutes à ça Lane Hutson et Ivan Demidov et le fait qu'ils sont tous si jeunes, et tu sais qu'il sera très difficile d'aller là pour les 10 prochaines années », que Carbery a poursuivi.
L'empreinte de David Savard
Aussi bons soient Nick Suzuki et ses principaux complices, aussi spectaculaires soient Lane Hutson et Ivan Demidov, les jeunes vedettes du Canadien devront encore l'an prochain être entourées de vétéran pour bien les épauler.
Le départ à la retraite de David Savard laissera un grand vide à combler à ce chapitre dans le vestiaire du Canadien. Mais le vétéran défenseur laisse derrière lui un héritage qui servira ses jeunes coéquipiers.
«Son empreinte est partout dans le vestiaire », a assuré le capitaine Nick Suzuki.
« Ce fut un honneur de jouer à ses côtés. Ce gars-là a toujours tout donné pour son équipe. Il a encaissé des coups, il a bloqué des tirs, il s'est rendu à la coupe Stanley. Il a acquis le maximum de respect en devenant LE gars vers qui tout le monde se tourne. J'ai perdu des coéquipiers importants avec les départs de Carey Price et Shea Weber et David est ce genre de joueur », a poursuivi Brendan Gallagher.
Après que les Capitals eurent scellé l'issue du match et de la série en marquant leur quatrième but dans un filet désert, Martin St-Louis a envoyé David Savard sur la patinoire pour permettre au vétéran défenseur de « savourer » les 26 dernières secondes de sa carrière.
Visiblement secoué à la fin de la rencontre, très émotif, Savard a reçu les accolades de tous ses coéquipiers. Mais aussi de ses adversaires.
« Je lui ai suggéré de peut-être continuer une année de plus, qu'Alexander Ovechkin a indiqué après la partie. C'était un adversaire redoutable. Gros, fort, solide, il s'est toujours sacrifié. C'est un très bon joueur qui a connu une grande carrière », que le meilleur franc-tireur de l'histoire de la LNH a ajouté.
« L'exemple parfait d'un vrai professionnel », a résumé Spencer Carbery à la fin d'un éloge de quelques minutes sur la carrière de David Savard.
« Je sais très bien ce que David vit en ce moment, car j'ai terminé ma carrière lors d'un septième match de séries éliminatoires. On vit toutes sortes d'émotions en ce moment. C'est un privilège pour moi de diriger le Canadien de Montréal et d'avoir vu grandir nos jeunes cette année. On a un maudit beau groupe. Mais ces jeunes, aussi bons soient-ils, ne seraient pas où ils sont rendus sans David Savard. Cela a été un honneur de le diriger », a témoigné l'entraîneur-chef du Canadien.
Qui prendra la relève de Savard?
Brandan Gallagher sera encore là. Josh Anderson, Christian Dvorak et Joel Armia ont prouvé dans le dernier droit de la saison et en séries qu'ils méritent de garder leur place dans le vestiaire du Canadien.
À la ligne bleue, Alexandre Carrier sera en mesure de prendre plus de place sur la patinoire et dans le vestiaire autant comme joueur que comme leader. Carrier a d'ailleurs fait un Savard de lui-même en faisant fi de la douleur associée à une blessure à la cheville gauche – résultat de la mise en échec d'Alex Ovechkin et non de Tom Wilson lors du match numéro 4 – pour chausser les patins lors de la cinquième partie.
« La douleur c'est temporaire et il n'y a personne à 100 % dans le vestiaire en ce moment. Comme tous les gars dans le vestiaire, je voulais gagner pour lui. Lui donner la chance de disputer au moins un autre match de séries au Centre Bell. Quand tu regardes le joueur qu'il est, le coéquipier qu'il est, la carrière qu'il a connue et l'impact qu'il a eu sur tous les jeunes, tu ne peux pas faire autrement de vouloir te servir de ce que tu as appris de lui pour le mettre au service de tes coéquipiers », que Carrier a conclu.
Le mot de la fin va à Pierre-Luc Dubois que David Savard a pris sous son aile à son arrivée dans la LNH avec les Blue Jackets à Columbus. Les deux hommes « célébraient » d'ailleurs ensemble les premières minutes de la retraite de Savard alors qu'ils se sont retrouvés en terrain neutre, entre les vestiaires des deux équipes.
«Il voulait vivre les séries à Montréal avec le Canadien. Il a eu la chance de le faire. On se disait que ce serait le fun de se croiser en séries et on l'a vécu. David est bien plus qu'un ami ou un ancien coéquipier. C'est un frère. C'est donc très spécial pour moi d'avoir pu être là pour son dernier match même en tant qu'adversaire », a témoigné Dubois qui se tourne maintenant vers les Hurricanes de la Caroline alors que son bon ami se tourne vers la retraite.