Mon premier souvenir de soccer remonte à la finale de la Coupe du monde 1978. Sport alors anecdotique au Québec, il fallait acheter des billets pour assister au match présenté seulement en circuit fermé à l’aréna Maurice-Richard. Celui qui allait devenir mon mari m’avait convaincue de l’y accompagner et je m’étais laissée gagner par son enthousiasme. Ce qu’on ne ferait pas par amour! Les Pays-Bas affrontaient l’Argentine, équipe hôtesse de l’événement. À ma grande surprise, l’aréna était bondé, envahi d’une foule colorée, bigarrée, où les accents de l’Amérique latine se déclinaient sur tous les tons. Peu de Québécois dits « de souche », le soccer n’était pas très populaire à l’époque.

Mais je venais d’être mise en contact avec une réalité sportive différente. Je découvrais alors un sport qui soulève des millions d’amateurs à travers la planète, le dénominateur commun entre des peuples qui ne parlent pas la même langue, ne partagent pas la même religion, ne vivent pas sur les mêmes continents. Un sport qui réunit des gens autour d’un poste de télé en noir et blanc dans les pays les plus reculés, qui enflamme les stades au point de provoquer parfois des tragédies où l'on a déjà compté les morts. Mais aussi un sport qui allume des étincelles dans les yeux des enfants les plus démunis de la terre, qui les fait rêver de devenir ce héros qui donnerait la Coupe du Monde à leur pays.

Je suis à mon tour tombée sous le charme du ballon rond. De la passion d’un autre, il est devenu la mienne. J’aime ce flux et ce reflux sur le terrain, quand une attaque s’organise puis se retire, comme une vague qui laisse un peu d’écume sur la plage. J’aime fanatiquement certains de ses athlètes et tout en détestant certains autres aussi passionnément. J’aime les prouesses de ses funambules, de ses acrobates, de ses artistes du ballon qui nous arrachent des cris d’extase ou de frayeur, ses matchs aux fins dramatiques, ses foules fanatiques qui affichent leurs couleurs sans pudeur et sans retenue. J’aime la démesure du soccer dans ses grands rendez-vous de Coupe du monde, comme je l’aime dans l’intimité de ses championnats nationaux. J’aime faire partie de cette communauté internationale qui vit sur la planète foot.

Je me souviens d’un moment au Rallye des gazelles, où ma coéquipière et navigatrice Louise, avait besoin de quelques instants de tranquillité pour étudier les cartes. S’arrêter à proximité d’un village, dans le désert marocain, était toujours risqué. Des nuées d’enfants nous entouraient en quête de bonbons, de crayons ou autres babioles. Le calme recherché par Louise risquait de voler en éclat. Je suis donc sortie du véhicule pour attirer la meute grouillante un peu à l’écart. Un petit garçon portait un maillot de Zinedine Zidane. On était à quelques mois de la Coupe du monde 2002. On s’est mis à parler de foot et ils ont vite oublié les crayons qu’ils venaient réclamer. Ils avaient tous quelque chose à dire sur Zidane, sur Hadji, leur héros marocain, sur Ronaldo, le Brésilien. Wayne Gretzky? J’ai fait le test... ils ne connaissaient pas.

Le soccer, c’est ça. C’est gros. C’est énorme. C’est planétaire. Ce soir, l’Impact de Montréal se retrouve en finale la de Ligue des champions de la CONCACAF (acronyme de Confederation of North, Central America and Caribbean Association Football). C’est peut-être difficile de réaliser l’ampleur de la chose, mais vous pouvez être certain qu’au Mexique, en Amérique centrale, peut-être même un peu plus au sud, le match sera vu par des millions de personnes. Les médias du monde s’intéressent au match. Au Royaume –Uni, The Guardian et The Telegraph suivent le duel, l’Équipe en a parlé et en parlera, les médias belges aussi, à cause de la présence de Laurent Ciman et ceux argentins, à cause de celle d’Ignacio Piatti, les Japonais, parce que l’étape finale du mondial des clubs aura lieu chez eux, sans compter tout ce que compte le Mexique de télés, journaux, radios... et cette liste n’est pas exhaustive. L’Impact s’est fait un nom, et par lui, Montréal aussi. Lorsque vous irez en vacances sur les plages du sud, si vous portez un maillot de l’Impact, il y a de bonnes chances qu’il soit reconnu.

C’est un pas de géant réalisé par une équipe qui a survécu à bien des tempêtes. Il ne reste plus qu’un souvenir évanescent de cette époque où les joueurs avaient accepté de jouer sans salaire pour sauver leur équipe. Grâce à leur ténacité et à leur dévouement, grâce à l’implication de Joey Saputo, grâce aux fans qui l’ont suivi, l’Impact peut aujourd’hui se frotter aux plus grands et gagner lui aussi quelques vapeurs d’éternité. L’America représente tout un défi. Et penser à ce qui se profile derrière en cas de victoire, donne le vertige. L’Impact a fait une partie du travail, reste à le compléter ce soir devant une foule impressionnante qui, cette fois-ci, criera pour le Bleu-Blanc-Noir. Alors, pourquoi ne pas y aller d’une « porra » (cri de ralliement) à la mexicaine : A la bio! A la bao! A la bim-bom-ba! Impact! Impact! ra ra raa!