MONTRÉAL – Sa vie a beau être à Kansas City, le cœur de Jean-Philippe Darche est encore à Seattle.

Il y a quatre ans, Darche accrochait ses crampons et prenait la décision de garder sa petite famille au Missouri, où il venait de passer ses deux dernières saisons dans la NFL, pour reprendre ses études universitaires en médecine. C’est aussi là-bas qu’il entamera sa deuxième carrière une fois son diplôme en poche, en mai prochain.

La vie est belle à K.C., mais quand vient le temps de parler de football, personne chez les Darche n’essaie de cacher son allégeance. Dans une région où tout le monde voit rouge, les Chiefs arrivent deuxièmes dans la maison de banlieue occupée par le clan québécois.

« À Noël, mon plus jeune a demandé un chandail de Russell Wilson! Mes deux garçons sont encore complètement Seahawks », affirme celui qui a occupé le poste de spécialiste des longues remises pendant sept ans à Seattle.  

Darche est projeté dans le passé depuis deux semaines. Son ancienne équipe, celle qui lui a ouvert les portes du football professionnel aux États-Unis, est de retour au Super Bowl pour la première fois depuis qu’il a lui-même pris part au grand match, en 2006. Cette année-là, les Steelers de Pittsburgh avaient écrasé le rêve du petit gars de Ville St-Laurent. Les Seahawks tenteront dimanche de se reprendre et de remporter le premier championnat de leur histoire alors qu’ils affronteront les Broncos de Denver.

« Ça fait quatre ans que je dis à tout le monde ici de surveiller les Seahawks et finalement, ils sont rendus! », se réjouit le produit des Redmen de McGill, l’un des quatre joueurs issus d’un programme universitaire canadien à avoir joué un rôle actif au Super Bowl.

 « Je suis vraiment content. L’édition actuelle des Seahawks ne compte aucun joueur ou entraîneur de mon époque,  sauf que quand je regarde les matchs, je reconnais des gars sur les lignes de côté. Le responsable de l’équipement, par exemple, ou le physiothérapeute. Ces personnes qui travaillent dans l’ombre autour de l’équipe, c’est vraiment du bon monde et je suis content pour elles. »

Lorsqu’il a convaincu les dirigeants des Seahawks de lui offrir une place sur les unités spéciales au tournant des années 2000, Darche ne se joignait pas à une puissance de la NFL. L’équipe a raté les éliminatoires lors de deux des trois premières saisons du Québécois sur la côte ouest, mais l’engagement de la communauté envers le club local, malgré les insuccès sur le terrain, l’avait marqué.  

« Je me réjouis aussi pour toute la ville. Les Seahawks ont vraiment de bons partisans et d’ici, j’ai l’impression que l’enthousiasme est encore plus imposant qu’avant. Dans mon temps, c’était un secret bien gardé que le stade le plus bruyant de la Ligue était à Seattle. Maintenant, tout le monde le sait! »

Les bons morceaux avec la bonne colle

L’édition actuelle des Seahawks a fait son chemin jusqu’au Super Bowl grâce à l’une des défensives les plus dominantes des dernières années. Les champions de l’Association nationale ont dominé la NFL au niveau des verges totales et aériennes concédées en plus de provoquer 39 revirements et d’accorder en moyenne 14,4 points par partie, deux autres marques à battre.

Darche favorise son ancienne équipe

Il y a huit ans, les Seahawks de Jean-Philippe Darche s’étaient également imposés comme l’une des équipes favorites pour rafler les grands honneurs en enlevant le titre de leur division avec une fiche de 13-3 en saison régulière. Mais là s’arrêtent les comparaisons : la composition distincte des deux équipes est la preuve qu’il existe plus d’une recette pour bâtir une équipe championne.

« On avait une très bonne défensive, mais elle n’était pas au niveau de celle d’aujourd’hui, concède l’ancien collaborateur du RDS.ca. Sauf qu’on avait Shaun Alexander, qui était le joueur par excellence de la Ligue, et Matt Hasselbeck était un quart-arrière plus expérimenté que l’est Russell Wilson. »

« Les deux équipes sont différentes, mais je vois des similitudes dans l’esprit de fraternité qui soudait la nôtre et celui qui semble unir celle que dirige Pete Carroll. Chaque fois qu’une équipe se rend au Super Bowl, c’est signe que tout a cliqué pour elle cette année-là. Je regarde aller les Seahawks et je nous revois dans le temps. »

Chaque année, fin janvier, Darche revit un peu le deuil de son expérience inachevée. Quelques journalistes l’appellent pour obtenir ses prédictions. En ouvrant le téléviseur, il lui arrive de tomber sur le touché refusé à Darrell Jackson ou la course de 75 verges de Willie Parker. La scène finale, malheureusement, est toujours la même, les confettis tombant des hauteurs du Ford Field de la mauvaise couleur.

« Ça fait encore mal, mais avec le recul, je réalise que c’était une expérience positive. Je me rappelle seulement des beaux moments, à quel point toute cette saison était spéciale. Les chances de se rendre au Super Bowl dans une vie sont assez minces. C’est pour ça qu’on ne l’oublie jamais. »

Darche sera en congé dimanche et pourra donc assister, avec sa famille et quelques invités, au retour de ses Seahawks au Super Bowl. Justin, qui n’avait que 4 ans lorsque son père a eu l’honneur d’y participer, encouragera l’équipe de sa ville natale aux côtés de son petit frère, qui portera son maillot numéro 3 de Russell Wilson.

Incapable de se détacher de ses sentiments, Darche prédit une victoire qu’il célébrera en échangeant des messages textes avec ses amis et anciens coéquipiers, aujourd’hui presque tous retraités, comme lui. « C’est là qu’on réalise qu’on est rendu vieux. Huit ans, c’est une carrière complète, ça! »