VANCOUVER – Au grand plaisir des journalistes affectés à la couverture du Championnat du monde de hockey junior, Christian Wohlwend était de retour à Vancouver jeudi, 24 heures après le petit miracle livré par son équipe en quart de finale à Victoria.

 

Depuis son arrivée à la tête du programme suisse, en 2017, Wohlwend est devenu l’un des personnages les plus appréciés de ce rendez-vous annuel du temps des Fêtes. Son sympathique accent, ses réponses théâtrales et sa sincérité rafraîchissante ont fait de chacune de ses sorties publiques un incontournable.

 

Il a vu le jour à Montréal en 1977, mais sa famille a déménagé en Suisse alors qu’il était encore poupon. Le fait qu’il ait marié une Torontoise le convainc toutefois à s’autoproclamer le seul entraîneur canadien toujours en vie au Mondial junior.

 

« Ma femme est bien plus Canadienne que moi, mais elle ne connaît absolument rien au hockey, rigole-t-il. On n’en parle d’ailleurs jamais à la maison. Nos seuls sujets de conversation sont nos enfants et notre famille. Habituellement, elle me demande deux jours après un match si on a gagné. »

 

Le couple a deux garçons, âgés de 4 et 6 ans, qui jouent apparemment au hockey avec la même ferveur que leur père démontre dans l’exercice de son métier.

 

« C’est ma personnalité, je suis un gars passionné. Quand je suis à la maison et que je joue avec mes enfants, je le fais avec la même passion qu’avec mon équipe. Je crois en l’amour. Je crois qu’il faut le montrer et le partager avec les gens qui nous entourent. »

 

La légende de Christian Wohlwend est née il y a un an, à Buffalo, lorsqu’il avait déclaré à qui voulait l’entendre que son équipe n’avait aucune chance de battre le Canada. Cette année, il a de nouveau grimpé dans les rideaux après des retrouvailles beaucoup plus âprement disputées contre le pays hôte.

 

Mais jeudi, à la veille d’un duel potentiellement historique contre la Finlande, l’homme de 42 ans a accordé son tempérament au calme paisible qui régnait dans un amphithéâtre pratiquement désert et a laissé parler l’homme derrière le bouillant entraîneur.

 

« L’honnêteté est une valeur qui est profondément ancrée en moi. Je crois en l’authenticité. Agir comme un robot, c’est la pire chose qu’on peut faire en tant qu’être humain. En tant qu’humain, nous sommes amour, nous sommes énergie. Soyez honnête et propagez l’amour aux gens qui vous entourent. Vous pouvez donner, donner, donner, toujours donner de l’amour. Une chose est certaine, si vous donnez de l’amour, vous allez toujours en recevoir en retour. C’est un fait. »

 

Ce que Wohlwend offre, ses joueurs le lui redonnent au centuple depuis leur arrivée au Canada. Dans un inspirant crescendo, ils ont arraché un point à la République tchèque, tenu tête aux géants canadiens, foutu la trousse aux Russes et éliminé les Suédois, transportant leur pays dans le carré d’as du Mondial junior pour la première fois depuis 2010.

 

« Tough love »

 

« Il faut le côtoyer tous les jours pour le comprendre. Franchement, je ne sais pas comment le décrire, réfléchit tout haut l’attaquant Valentin Nussbaumer. Il est tout le temps de bonne humeur, il va tout le temps te dire des choses positives, tout le temps t’encourager. C’est sûr que sur le banc, il y a de l’émotion qui ressort, mais même s’il t’engueule pendant le match, après il va revenir vers toi et te dire ‘Pas grave, chapeau’... Franchement, on a de la chance d’avoir un coach comme ça. »

 

Wohlwend ne donne effectivement pas toujours l’impression d’appliquer ce qu’il prêche. La même transparence qui teinte ses propos à l’extérieur de la patinoire le rend incapable de dissimuler ses sautes d’humeur dans le feu de l’action. Par exemple, alors que son équipe protégeait une avance de 2-0 avec moins de deux minutes à faire en troisième période, mercredi, les caméras du réseau TSN l’ont capté dans toute sa fureur en train de passer un savon à l’attaquant Sandro Schmid.

 

L’amour semblait bien la dernière chose qu’il y avait dans l’air à ce moment.

 

« C’était rude, mais c’est Christian, résume Nussbaumer en souriant. C’est sa manière de coacher, mais je pense qu’il n’y a aucun joueur qui peut dire qu’il ne l’aime pas. On est vraiment comme ses enfants, je dirais. »

 

Wohlwend utilise l’expression anglaise « tough love » pour justifier son comportement parfois direct et impulsif à l’endroit de ses jeunes protégés, une sorte d’amour paternel qui a pour unique but de faire ressortir le meilleur d’eux.

 

« Je dis ce que je pense, je fais mon travail de la manière la plus authentique possible et les joueurs, ce sont tous des êtres humains. Ils le sentent, ils le voient, ils l’entendent. Le ‘tough love’, c’est d’être honnête avec eux quand il le faut. Ça doit être bien dosé, mais c’est nécessaire. »

 

« Chaque coach a sa manière de faire avec ses joueurs mais lui, on le sent vraiment derrière nous, insiste Nussbaumer. Des fois, on loupe une occasion, il va venir nous encourager. On sait que quoi qu’il se passera dans le tournoi, il sera tout le temps là pour nous, il sera fier de nous. C’est important et c’est pour ça que demain, il y a une partie du match qu’on devra lui dédier. On devra tout donner sur cette glace pour lui parce qu’il nous donne beaucoup et c’est donnant-donnant. »​